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« Pas d'économie performante sans démocratie » (2e partie et fin)
Abderrahmane Hadj Nacer (Ancien gouverneur de la Banque d'Algérie)
Publié dans El Watan le 29 - 10 - 2006

Selon une étude récente de la Banque mondiale portant sur le taux de productivité par pays, l'Algérie - pays qui a consacré ces vingt dernières années 35% de son PIB à l'investissement - arrive à la 85e place sur 93 pays étudiés, loin derrière la Tunisie - pays qui n'a pas les ressources financières pour investir autant que son voisin algérien - qui se classe au 15e rang mondial (devant Israël qui vient à la 19e place). Ne sommes-nous pas en train de refaire les mêmes erreurs du passé en renouant avec l'investissement public ? Pourquoi les ''performances'' macro-économiques du pays ne parviennent pas à générer des performances micro-économiques ?
De mon point de vue, vous touchez là le point essentiel. Pour simplifier, la différence entre un pays développé et un pays sous-développé réside dans la capacité d'ingénierie et d'accumulation. Pourquoi n'accumule-t-on pas de savoir-faire en Algérie ? Pourquoi refait-on les mêmes erreurs ? Comment se fait-il qu'il y ait un processus d'ap prentissage en Tunisie et pas en Algérie ? Je répondrai par une image très forte : la suppression du ministère du Plan. Le bureau d'études de l'Algérie avait deux antennes : le ministère du Plan assurait la cohérence des décisions économiques et le secrétariat général du gouvernement, celle des textes. Pourquoi a-t-on supprimé le ministère du Plan ? Comme tous les convertis, nous sommes entrés dans l'économie de marché avec l'idée que le libéralisme signifiait l'absence de plan. C'est une erreur fondamentale parce qu'il y a des institutions de planification dans tous les Etats libéraux. Qu'on appelle cela commissariat de prévision ou institut de planification est un problème de terminologie. Par ailleurs, on a obéi de façon inconsidérée aux injonctions de la Banque mondiale, du FMI et des amis - de gauche et de droite - d'outre-mer, lesquels avaient un objectif bien précis, celui d'affaiblir l'Algérie. C'est un renoncement de souveraineté. D'ailleurs, à l'image de ce qui s'est passé pour le ministère du Plan, les capacités d'ingénierie dans les secteurs où l'Algérie jouissait et devrait jouir d'un avantage comparatif certain ont disparu, comme la liquéfaction du gaz, les ISMEE, la pétrochimie… Je voudrais citer ici l'exemple des Etats-Unis. Dans cette patrie du libéralisme économique, une loi oblige tous les Etats fédéraux à réserver 25% des contrats publics aux PME américaines. Il ne s'agit pas d'un protectionnisme rentier. Il s'agit d'un patriotisme économique qui n'est pas contradictoire avec la nécessaire compétition des entreprises entre elles. C'est précisément ce que l'on attend d'un pays comme le nôtre : on ne peut pas, sous le couvert du libéralisme, ne pas se doter d'un système qui favorise les entreprises nationales publiques et privées.
Pourquoi, en dépit de son aisance financière, le niveau des IDE (investissements directs à l'étranger) en Algérie demeure faible ? Pour attirer les capitaux, certains proposent la convertibilité du dinar et la fin du contrôle des changes. Qu'en pensez-vous ?
La décision de convertir le dinar est une question strictement politique dans laquelle tout débat technique s'avère bien oiseux. La convertibilité assure une certaine transparence ; être contre la convertibilité, c'est être contre la transparence. Dans notre pays, le contrôle des changes est strict. Le résultat est que tous les comptes sont faussés. Les services, du fait de l'interdiction de leur importation, sont facturés dans les marchandises. De ce fait, le prix des marchandises n'est pas représentatif du prix réel de celles-ci puisqu'il inclut celui des services. Plusieurs conséquences en découlent : la première est qu'on ne sait désormais plus décomposer un prix ; la seconde est que nos prix ne peuvent pas être compétitifs à l'échelle mondiale. D'où le refus de la liberté des changes. Par ailleurs, on sait pertinemment que dans la rue, le dinar a une valeur relativement stable et qui n'est pas, du reste, très loin du taux de change officiel. Pourquoi ne pas aller alors à la convertibilité du dinar et sécuriser les Algériens ?
Ceux qui rejettent la convertibilité du dinar avancent l'argument de la fuite des capitaux qu'une telle mesure entraînerait immanquablement selon eux.
J'ai du mal à comprendre cet argument puisqu'on a la possibilité d'acheter les devises au Square Port Saïd juste en face de la Banque d'Algérie. C'est au contraire le refus de la convertibilité du dinar qui installe l'insécurité et pousse à la fuite des capitaux. Voilà qui nous amène à votre question sur les investissements. Les IDE faiblissent lorsqu'il y a insécurité. Contrairement à une idée reçue, la sécurité pour l'investisseur ne se rapporte ni aux vols ni aux maquis mais à la capacité d'anticipation sur dix ans. La question que se pose un investisseur étranger est la suivante : est-ce que le système ne va pas trop changer en dix ans afin que je puisse sécuriser mon argent ? Cette sécurité-là n'a pas de prix. On peut toujours se doter de gardes du corps mais on ne peut pas mettre en insécurité l'argent qu'on investit dans un pays pour développer telle ou telle activité. La deuxième condition nécessaire à l'attrait des IDE se rapporte à la bureaucratie : les investisseurs veulent avoir affaire à des guichets qui règlent des problèmes et non à des guichets qui créent des problèmes. Ces deux aspects de la bureaucratie et du taux de change renvoient à l'idée de la sûreté que dégage ou pas l'environnement. Mais il y a un troisième aspect fondamental : l'étranger ne viendra investir que lorsqu'il verra les nationaux investir sur place. Car la meilleure garantie qu'il puisse obtenir est précisément que les nationaux croient en cet environnement. Qu'est-ce qu'on constate aujourd'hui ? Je vous donnerai des statistiques relativement fiables concernant le Maghreb. Aujourd'hui, le stock de l'épargne des Maghrébins en Europe est estimé à 100 milliards de dollars dont on peut dire que la moitié est détenue par des Algériens. Par ailleurs, le flux net - incluant donc les investissements - s'oriente, aujourd'hui, du Maghreb vers l'Europe et représente 7 milliards de dollars dont la moitié est à peu près constituée de capitaux algériens. Si vous avez plus d'investisseurs algériens en Europe qu'en Algérie, c'est qu'il y a problème. Cette fuite des capitaux n'est pas due à l'absence d'opportunités d'affaires, celles-ci sont mêmes plus nombreuses et plus lucratives ici que de l'autre côté de la Méditerranée. La fuite de ces capitaux est la conséquence de la peur des gens, de leur incapacité à se projeter dans l'avenir. Or, la règle essentielle pour un investisseur est de pouvoir anticiper l'avenir.
Vous avez eu à superviser en tant que banquier d'affaires plusieurs dizaines de privatisations d'entreprises publiques dans différents pays. Quelle appréciation faites-vous des opérations de privatisation réalisées ces dernières années en Algérie ?
La privatisation n'est pas un fétiche qui résout en soi le problème du fonctionnement compétitif d'une économie. Il y a eu, il est vrai, une grande vague de privatisations au lendemain de la chute du mur de Berlin, particulièrement dans les pays de l'Europe de l'Est. La mode, depuis, est à la privatisation dans les pays du Sud. Le rééchelonnement a toujours servi, sous le couvert de l'efficacité économique, de prétexte pour obliger les pays à privatiser. Est-ce pour autant qu'il faille considérer la privatisation comme le mode opératoire unique ? C'est là où nous péchons : ce n'est pas parce qu'une privatisation a réussi dans un pays qu'il faut la copier. Nos amis tunisiens, soucieux de maximiser les rentrées budgétaires de leur Etat, ont toujours vendu excellemment et plus cher qu'ailleurs. Leur politique en la matière ne se réduit cependant pas seulement à ce critère budgétaire, elle intègre une réflexion sur la stratégie économique et industrielle du pays. Quid de l'Algérie ? Faut-il vendre les entreprises publiques pour gagner de l'argent ? Je crois qu'il faut, premièrement, tenir compte des expériences de privatisation menées dans le monde - y compris en France où certaines privatisations font aujourd'hui l'objet d'une re-nationalisation. Deuxièmement, tirer profit du caractère de l'Algérie. L'Algérie n'est pas un pays du milieu ; son peuple ne sait bouger qu'en présence de grands défis. Quel est donc ce grand défi qui pourra nous mobiliser ? Le défi de l'Algérie n'est pas l'argent : nous avons, selon les définitions, entre 60 et 70 milliards de dollars en caisse aujourd'hui. Par conséquent, si nous privatisons, ce n'est donc pas pour accroître les revenus de l'Etat ou les encaisses du Trésor public. Pourquoi devrions-nous vendre alors ? La privatisation devrait être motivée par la recherche de l'efficacité économique. A mon avis, il faut commencer par analyser les besoins de l'Algérie qui sont l'emploi, la formation professionnelle, la maîtrise des technologies, l'intégration positive dans la mondialisation. Partant de là, comment pourrions-nous envisager la privatisation ? Je crois qu'il faut oublier les appels d'offres classiques et chercher plutôt les partenaires dont on a besoin dans les secteurs où l'Algérie possède des avantages comparatifs concurrentiels : les ISMEE, les NTIC, l'agroalimentaire, la chimie-pharmacie et bien sûr les filières pétrolières et gazières. Exemple : au lieu de vendre la SNVI (Rouiba), il faut aller chercher le meilleur partenaire qui existe dans le monde dans le domaine des véhicules industriels. Il faudrait, le cas échéant, contacter Volvo, Scania, MAN, etc. et discuter avec ces constructeurs non sur le prix de la SNVI mais sur les conditions qui nous permettraient de devenir leur partenaire en fonction d'un certain nombre de critères comme le type de technologie qui sera implantée, la formation nécessaire pour réaliser la mise à niveau, la position du site algérien dans la stratégie mondiale du développement du véhicule industriel. Dans ce cas de figure, peut-être qu'il nous faudra contribuer avec de l'argent plutôt que d'en recevoir pour que l'Algérie devienne, par le biais du site de Rouiba, l'une des positions clés du développement mondial du véhicule industriel. Comment intégrer l'Algérie dans la stratégie de développement de tel ou tel constructeur mondial ? C'est une négociation industrielle. Le partenaire étranger aura ici des conditions à poser - qui ne sont pas que d'ordre financier - lui permettant d'assurer sa sécurité dans l'intégration du pôle algérien à sa propre stratégie mondiale. Voilà pourquoi je considère la privatisation comme une capacité de négociation de l'Algérie dans un schéma industriel mondial plutôt que comme la vente passive de sites à un opérateur industriel étranger majeur qui, lui, va intégrer l'Algérie à sa propre vision - qui n'est d'ailleurs pas nécessairement celle d'une dynamique productive. Après le démantèlement de Daewoo en Corée du Sud, l'acquisition de sa branche de véhicules industriels devenait une perspective intéressante dans laquelle l'Algérie aurait pu être un compétiteur, sinon seul, du moins en association avec un grand groupe international. Pour rappel, Daewoo voulait acquérir la SNVI Rouiba pour y produire 15 000 camions et faire donc de l'Algérie un pôle clé non seulement pour le Maghreb et le monde arabe mais aussi pour l'Afrique et une partie de l'Europe. Au lieu d'attendre, il aurait fallu aller acheter la société mère et négocier avec elle l'intégration de l'Algérie dans une stratégie industrielle mondiale. Ceci est vrai pour les véhicules industriels comme pour tous les autres secteurs. Dans le secteur du transport aérien, pour prendre un autre exemple, les opérateurs voient clair dans toutes les zones sauf au Maghreb qui s'apparente à un trou noir. Les opérateurs internationaux - principalement, pour ce qui nous concerne, les deux grandes alliances européennes Sky Team (de Lufthansa) et Star Alliance (d'Air France), d'un côté, et de l'autre les Emiratis de Qatar Airways et Emirats (qui sont en fait des Anglais déguisés) - savent qu'il y a des positions stratégiques à prendre au Maghreb, car le Maghreb, ce n'est pas la cinquantaine d'avions d'aujourd'hui mais les 200 avions de demain. C'est donc un marché plus important que celui de la Turquie qui n'est pas pris en charge. C'est un marché qui a par ailleurs un positionnement assez intéressant sur les routes du Sud, entre l'Afrique et le Moyen-Orient d'une part, et sur les routes africaines appelées à se développer avec l'émigration, de l'autre. Il se trouve que l'Algérie est au centre de gravité de cette configuration. C'est là un argument important à faire prévaloir dans le cadre d'une privatisation conçue à l'aune d'une stratégie d'intégration industrielle. Bref, il faut changer de démarche, être offensif, aller vers le marché, ne pas attendre l'arrivée des opérateurs étrangers. On peut faire beaucoup plus que privatiser en allant faire ses courses à l'étranger. La démarche que je préconise en tant que banquier d'affaires donnerait par ailleurs beaucoup d'assurance aux opérateurs internationaux qui verraient l'Algérie comme un partenaire industriel intégré et non plus comme un partenaire passif qui va leur poser des pièges en termes d'accès difficile au foncier, de charges fiscales, de corruption. La démarche dynamique considère que le matelas de devises dont dispose le pays actuellement (60 à 70 milliards de dollars) nous permet d'acquérir des positions clés dans les domaines technologiques qui nous concernent dans l'immédiat et dans l'avenir proche. Nous pouvons devenir des acteurs internationaux en allant acquérir à l'étranger les sociétés qui ont la maîtrise de la technologie que nous n'avons pas développée en Algérie. Nous avons intérêt, pour ne pas reperdre le temps nécessaire à la formation de nouvelles compétences nationales, à acheter - tant que nous en avons encore les moyens - des entreprises ou à prendre des positions stratégiques dans celles-ci et tirer profit des effets induits de ce type d'opération en termes d'achat de nouvelles technologies, d'acquisition d'une culture d'entreprise, de formation, etc. La mise en place de ce cadre contribuera à donner de l'espoir à nos élites qui évolueront dans un environnement international et inscrire l'Algérie comme un acteur actif et non plus passif de la mondialisation. Dans tous les cas de figure, les IDE en Algérie vont produire leurs effets à court terme. C'est-à-dire que l'Algérie devra faire face à des exportations de capitaux relatifs à la distribution des dividendes. C'est nos propres IDE, notre participation à la mondialisation en tant qu'acteur capitaliste qui nous procureront les revenus stables et un accès à la technologie et à la décision mondiale. Dans ce contexte, toute position que possède l'Algérie à l'extérieur doit être sauvegardée, quel qu'en soit le prix, notamment dans le secteur bancaire. C'est dans les moments difficiles de négociation internationale, de faiblesse des balances de paiement, de chantage alimentaire qu'on apprécie l'importance de ces positions. Ce fut le cas de 1986 à 1995. Prenons un exemple plus vital encore : dans le domaine du gaz, encore plus que pour le pétrole, l'Algérie devient un acteur majeur pour l'Europe. L'Europe comme l'Algérie ont besoin d'être sécurisées. C'est la raison pour laquelle ma préconisation, en tant que banquier d'affaires, est celle d'une participation croisée dans les sociétés, du domaine, qui interviennent en Algérie. Cela nous permettra en tant qu'Algériens d'être rassurés quant à la bonne exploitation de nos gisements, de participer au développement de la filière technologique en amont et en aval tant en Algérie qu'à l'étranger avec une répartition plus équilibrée de la valeur ajoutée. Cela devrait rassurer nos partenaires étrangers puisque, d'abord, ils seraient partenaires et ensuite ils auraient accès aux puits, en notre compagnie.
En attendant l'éclosion d'une pareille dynamique économique, comment se profile aujourd'hui le « capitalisme » algérien ?
Le capitalisme algérien ressemble peu ou pas au capitalisme classique. Il y a très peu de capitaines d'industrie en Algérie. Un capitaine d'industrie, par définition, est celui qui se projette dans le temps sur plusieurs dizaines d'années - pour soi-même et les générations qui le suivront - avec une volonté de s'inscrire dans l'histoire, de transmettre du patrimoine et du savoir-faire. Or il est très difficile, dans l'Algérie d'aujourd'hui où l'environnement est de courte durée, de s'inscrire dans l'histoire : face à la difficulté de savoir comment va évoluer le régime politique, les gens font des coups.
Quelles sont les conditions d'émergence d'une économie performante ?
Je retiens pour ma part quatre conditions nécessaires à l'émergence d'une économie performante. Il n'y a pas d'économie performante sans démocratie : les sociétés humaines n'ont pas inventé meilleur système que la démocratie qui libère les énergies. On ne peut construire un développement durable sans bonne connaissance de la sociologie et de l'anthropologie du pays : on ne construit pas un pays sur une table rase. On voit bien que les pays qui avancent sont ceux qui tiennent compte de leur histoire et de leur culture. Il n'y a pas de liberté économique sans Etat fort. On ne peut pas avoir de gouvernance (c'est-à-dire une gestion selon les standards internationaux de fonctionnement d'un Etat) sans l'émergence des élites. Or, pour faire émerger une élite, il faut au moins deux générations. L'Algérie n'a pas su assurer la transmission du savoir-faire entre les générations, particulièrement ces quinze dernières années : une grande partie des élites a fui le système par le biais de l'exil ou de la retraite sans qu'elle ait eu le temps de transmettre son savoir-faire aux nouvelles générations. L'Algérie n'est cependant pas le seul pays à être confronté à ce problème. La Corée du Sud a su relever ce défi en rapatriant ses élites au cours des années 1950. Le gouvernement iranien a su, lui aussi, trouver la formule adéquate pour faire revenir les élites qui avaient fui le pays au lendemain de la révolution islamique. Personnellement, je mesurerai l'efficacité d'un gouvernement par sa capacité à réintégrer les élites qui sont à l'intérieur et à l'extérieur du pays.


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