Le feuilleton de l'été sur le scandale du parc de loisirs Dounia de Dély Ibrahim, à Alger, n'est pas près de connaître son épilogue. Révélée par le ministre du Tourisme, Abdelouahab Nouri, la pratique des passe-droits dans l'allocation, par son prédécesseur, des concessions des fonds de commerce au profit des privilégiés a provoqué une onde de choc au sein de l'Exécutif, qui a accusé le coup sans broncher. Il a fallu attendre plusieurs jours pour que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, s'exprime sur ce dossier qui a surpris non pas tant sur le fond – la pratique n'est pas nouvelle –, mais sur le fait que le réquisitoire à charge est signé par le ministre en exercice en charge du secteur du Tourisme. Alors qu'aucune enquête judiciaire n'a été ouverte à la suite des graves accusations portées par le ministre sur la gestion du patrimoine immobilier de ce parc – le parquet n'a pas jugé nécessaire de s'autosaisir –, c'est le Premier ministre qui décide de monter au front pour désamorcer la bombe en prononçant un non-lieu, précisant qu'il n'y a pas d'affaire «Dounia Parc», mais «des erreurs dans l'attribution de certains commerces qui ont été réparées». Pour M. Sellal, le dossier est donc clos et définitivement clos. Le ministre de la Justice, Tayeb Louh, avait anticipé cette réaction du Premier ministre en invitant son collègue du Tourisme à saisir la justice s'il détenait des preuves de ses accusations. La cohésion gouvernementale n'a jamais été mise à mal autant qu'elle le fut avec cette affaire qui a amené des parties au gouvernement à s'escrimer à fleurets mouchetés sous le regard impassible de la justice. Le principal concerné par ce scandale présumé, l'ancien ministre du Tourisme Amar Ghoul, d'ordinaire loquace et prêt à dégainer pour se défendre et défendre ses sponsors au sein du pouvoir, s'est imposé jusqu'ici un silence assourdissant. A-t-il reçu des consignes pour garder le silence afin de ne pas gêner le gouvernement, qui se serait passé volontiers de ce scandale, car ayant d'autres chats à fouetter en cette conjoncture de crise ? Sa proximité avec le clan présidentiel, confirmée par sa longévité au gouvernement et son repêchage au Sénat dans le tiers présidentiel après son départ de l'Exécutif, explique pour beaucoup l'embarras du pouvoir à gérer ce dossier. Cité dans l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, Amar Ghoul s'en est sorti à très bon compte : même pas avec un petite égratignure pour sauver les apparences d'un procès régulier. Quand on revient d'aussi loin, on est immunisé pour la vie ! C'est une conviction largement partagée au sein de l'opinion. La déclaration de M. Sellal est venue conforter cette vérité. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette cacophonie que renvoie l'action gouvernementale ne saurait être mise au discrédit d'un ministre dont la langue aurait fourché innocemment. Elle lève un coin de voile sur les luttes sourdes que se livrent les clans au pouvoir pour garder ou reprendre la main dans le jeu de la course à la succession. Dounia Parc : l'arbre qui cache la forêt ? Le maintien ou l'éviction de son poste du ministre par qui le scandale a éclaté permettra de voir plus clair dans quel sens penche le rapport de force au sein du pouvoir.