Le rapport de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) ne laisse aucun doute. S'il ne recèle aucune information nouvelle, il a le mérite de confirmer la triste réalité. Dur dur de trouver un emploi quand on s'appelle Saïd ou Mohamed. Qu'elles émanent d'universités ou d'organes gouvernementaux, les études sont unanimes : pour décrocher un emploi en France, « il vaut mieux s'appeler Alain que Mohamed ». Le parcours professionnel des jeunes Maghrébins est tellement semé d'embûches que, pour des chercheurs, il ne s'agit plus de discriminations isolées, mais carrément d'un « système » d'exclusion, certains recruteurs ayant même mis au point des codes racistes. Il y a quelques années, Francis Cabrel chantait Personne ne t'aide quand tu t'appelles Saïd ou Mohamed ». Aujourd'hui, personne ne te recrute quand tu as le malheur de porter un prénom à consonance musulmane. Les chiffres sont effarants. En avril 2006, l'Observatoire des discriminations a publié une étude sur l'influence du prénom sur la carrière de celui qui le porte. Parmi les fils d'ouvriers, la moitié de ceux portant un prénom français « de souche » a connu une ascension sociale, tandis que 83% de ceux portant un prénom maghrébin sont restés ouvriers comme leur père. Parmi les enfants de cadres, les enfants, portant un prénom maghrébin, ont environ deux fois moins de chance que les autres de devenir cadres à leur tour. Dans un document de 2005, l'Institut national des études démographiques (INED) insiste sur « l'existence de discriminations dont l'amplitude et la persistance relèvent plus du système que de la disposition individuelle d'employeurs ». De son côté, l'Observatoire des inégalités révèle un an plus tard qu'un « peu plus de 23% des hommes, dont les parents sont d'origine algérienne, sont au chômage contre 10% des hommes nés de parents français ». Non seulement les enfants d'immigrés ont du mal à trouver un emploi mais, lorsqu'ils y parviennent, c'est souvent en CDD, en intérim, en temps partiel ou en contrat aidé. 28% des femmes issues de familles marocaines ou tunisiennes « ont un emploi précaire contre 19% des femmes nées de parents français », selon cette même étude. Depuis sa création début 2005, la Halde a reçu quelque 1600 réclamations de personnes s'estimant victimes de discrimination en raison de leur origine réelle ou supposée, dont 650 dans le domaine de l'emploi (environ 400 dans le privé et 250 dans le public), selon un récent bilan. L'été dernier, elle a publié les résultats d'un test édifiant. Plus de 1000 CV avaient été envoyés par e-mail à trois entreprises ayant publié des offres d'emploi. Conclusion : « Les candidats d'origine maghrébine, âgés et d'apparence physique moins attractive ont des taux de réponse plus faibles. » A la fin des années 1990, certaines annonces tentaient encore de recruter uniquement des candidats de « race blanche » ou « pas typés ». Ces dernières années, des recruteurs ont mis au point des codes plus discrets — épinglés par divers rapports ou révélés par des tribunaux. Par exemple, « NF » pour norme française, « BBR » pour bleu blanc rouge, « BYB » pour blond aux yeux bleus ou encore « profil 001 » qui reprend le code administratif signifiant « nationalité française ».