Cette semaine, Adrar a été marquée par une manifestation populaire contre l'augmentation brutale et excessive des factures de l'électricité. Une protestation à laquelle ont pris part une centaine de personnes parmi les représentants de la société civile, du mouvement associatif, l'association de la protection du consommateur. Un phénomène qui tend à se généraliser chez les habitants des régions du Sud. En effet, certaines localités ont déjà réagi contre la nouvelle tarification, à l'image d'Abadla dans la wilaya de Béchar et d'In Salah, par des sit-in, et ce, à la suite de la réception de quittances d'électricité trois à quatre fois plus élevées que dans le passé, pour des consommations domestiques normales. Cependant à Adrar, les manifestants se sont réunis devant la bibliothèque municipale, avant de se diriger vers le siège de la wilaya où ils ont tenu un sit-in pacifique tout en tenant des banderoles portant des slogans hostiles aux mesures d'austérité des pouvoirs publics : «L'austérité doit commencer par la lutte contre la corruption» ; «Réduisez les salaires des sénateurs, des députés et des ministres au lieu de puiser dans la poche du citoyen» ; «Le Sud est le premier à subir la crise économique» ; «On refuse de s'acquitter de nos factures excessives» ; «Le Sud est le plus grand consommateur d'électricité» ; «On s'attendait à une réduction des prix de l'électricité pour le Sud». Cependant Usant d'un mégaphone, les contestataires s'en sont violemment pris à la gestion de la crise économique par le gouvernement. Ras-le-bol «Vous n'avez trouvé que le citoyen pour combler votre déficit budgétaire !» scandaient-il. «On en a assez de vos augmentations !» «Récupérez d'abord l'argent volé au peuple»… Le cortège a ensuite traversé une partie de la ville en observant aussi un autre sit-in devant le portail de la direction de la SDO (filiale de Sonelgaz) sous l'œil vigilant des éléments de la Sûreté nationale. A noter qu'aucun incident majeur n'a été relevé. Même ambiance à Ghardaia : «Ce n'est pas possible, il y a quelque chose qui ne va pas dans ces dernières facturations de Sonelgaz. Elles sont exagérées. Quand bien même il y aurait une augmentation, elle ne saurait aller du simple au double, et ce, pour une consommation quasiment égale à celle du trimestre précédent», s'insurge Mustapha, habitant à la cité des 400 logements à Sidi Abbaz. Et d'ajouter : «Continuer à ce rythme à saigner les citoyens est, selon moi, le meilleur moyen de les pousser à aller vers l'illégal, c'est-à-dire à des branchements illicites.» Pour Hami, un commerçant du même quartier, «c'est vraiment de l'arnaque. Se voir établir une facture de 140 000 DA pour un magasin d'alimentation générale de 36 mètres carrés avec trois frigos présentoirs, c'est quand même aberrant et c'est ce type de facturation qui pourrait me pousser à mettre la clé sous le paillasson. Je ne pourrai pas, avec le loyer du magasin, payer les impôts et ces épouvantables factures de Sonelgaz et continuer à exercer ce métier. Je préfère aller me trouver un petit boulot tranquille payé au mois dans une entreprise avec tous les avantages sociaux que de continuer à me faire sucer le sang». A Theniet El Makhzen, le plus populaire et le plus populeux quartier de tout le Sud algérien en termes de densité de population au kilomètre carré, c'est carrément un risque de boycott de payement des factures de Sonelgaz qui flotte dans les airs. «Il n'est pas question de nous laisser faire. Alors que nous avons toujours revendiqué un abaissement des tarifs de l'électricité pour le sud du pays, compte tenu de la climatologie de ce territoire et alors qu'il y a quelques années, un semblant de rabais nous a été accordé, voilà maintenant que même cette espèce de rabais est englouti dans cette marée tarifaire qui va tout emporter sur son passage. Non, nous ne payerons pas plus qu'il n'en faut, c'est-à-dire au même niveau tarifaire que les années précédentes. Si on nous pousse à l'extrême, nous irons vers des piquages et des branchements sauvages», maugrée Azeddine, membre d'une très active association de quartier. «Je suis femme de ménage à l'hôpital Docteur Tirichine de Sidi Abbaz, veuve avec trois enfants à charge et locataire d'une petite maison dans le vieux quartier Hadj Messaoud. Je n'ai que le strict minimum chez moi, ce qui n'empêche pas Sonelgaz de m'envoyer des factures de 4000 DA, c'est énorme pour mon maigre salaire. Si ça continue, je suis sûre que je vais être privée de cette nécessaire énergie par manque de moyens pour payer les factures.» Favoritisme A titre d'exemple, et à l'exception de quelques rares foyers, la majorité des résidants de Bouhraoua et de Sidi Abbaz jugent leurs factures trop salées, ne reflétant pas les réelles consommations de gaz et d'électricité. Les dernières augmentations des prix de l'électricité et du gaz ont eu un impact sur la bourse des ménages qui ont reçu une «décharge électrique» à la suite des augmentations jugées excessives de leurs redevances trimestrielles qui dépassent les 200% dans certains cas. Selon les résidants, les agents de Sonelgaz font «des prélèvements à la tête du client». Et de souligner que «ces derniers ne visitent jamais tous les compteurs et établissent des quotas de consommation imaginaires pour se simplifier la tâche. Sinon comment expliquer, ajoutent-ils en citant des noms, que X et Y, qui ont des villas voisines à la cité, ne payent que 2000 et 2500 DA par trimestre ?» Avant de s'interroger : «Est-il logique qu'avec une télévision, un réfrigérateur, une cuisinière et 4 lampes on doit s'acquitter d'une facture imaginaire de plus de 5000 DA ?» Les factures de Sonelgaz font, ces derniers temps, beaucoup de mécontents. Des citoyens s'en plaignent à l'échéance trimestrielle. «J'ai reçu une facture salée cette fois-ci. Pourtant, notre consommation est toujours la même. Rien n'a changé dans les appareils utilisés dans la maison», affirme un père de famille. Les mêmes récriminations peuvent aussi être entendues devant le guichet d'une agence Sonelgaz où les doléances sont presque incessantes. Des augmentations «aberrantes», de l'avis de nombreux citoyens qui ont, d'ailleurs, manifesté auprès des agences de la SDC et des bureaux régionaux de presse et crié leur colère.