Ils sont nombreux à se plaindre des factures «salées» de consommation d'électricité et de gaz établies par les services commerciaux de Sonelgaz. En dépit des efforts menés par l'entreprise historique, le système mis en place pour prendre en charge les clients s'avère inefficace. Des écrits émanant des structures du holding public renseignent sur la difficulté de la mission et les blocages qui entravent la tâche des agents de Sonelgaz. En effet, des clients se sont adressés à notre rédaction pour exprimer leur indignation devant les factures établies par les agences commerciales réparties dans les différentes régions du pays. Parmi les personnes qui nous ont contactés, le président du Syndicat national des boulangers. M. Youcef Kalaft nous a fait part des difficultés rencontrées par certains boulangers pour honorer des factures d'électricité qui ne sont pas «réelles», et malheureusement toujours exagérées. Sonelgaz ayant refusé d'entendre raison ou même d'effacer ces factures, ces derniers se disent incapables de payer ce qu'ils n'ont pas consommé. Ce genre de différend a abouti souvent à des coupures d'alimentation en énergie électrique, donc à l'arrêt de travail, selon notre interlocuteur.C'est le cas d'Ahmed Berouki, boulanger en activité dans la wilaya de Relizane, qui a sollicité l'aide de notre rédaction pour interpeller les hauts responsables de Sonelgaz. Après avoir honoré deux factures du premier semestre de près de 100 000 DA, ce boulanger a dû attendre jusqu'au 18 mai dernier le rétablissement de l'alimentation en énergie suspendue pour retard de paiement. Ne sachant plus quoi faire, lui qui fournit le pain à tout un village, il a décidé de publier une lettre ouverte au PDG du groupe Sonelgaz. «C'est le seul moyen de l'alerter, car nous avons constaté que les correspondances transmises par le biais de la poste ou celles déposées au niveau des bureaux d'ordre restaient sans effet», nous confie-t-il. De nombreux autres clients ont reçu des factures excessives qu'ils ne peuvent honorer. Un client habitant à Aïn Bénian (Alger) a été destinataire d'une facture de 900 418,24 DA. Un autre abonné résidant dans la commune de Bologhine a reçu une facture trimestrielle de l'ordre de 91 956,22 DA. Ce sont là quelques cas illustratifs de ces clients déconcertés qui ne savent plus à qui s'adresser pour convaincre les services de Sonelgaz d'une erreur dans la facturation. Cette situation nous a poussés à ouvrir une enquête. A notre grande surprise, nous avons appris que de hauts responsables de Sonelgaz étaient déjà au courant de certaines erreurs dues, entre autres, au système de gestion de la clientèle qui est à l'origine des dysfonctionnements constatés dans certaines divisions commerciales. Les rapports de l'audit La direction d'audit et de gestion du groupe a signalé, le 4 mai 2008, dans un rapport transmis à la direction générale de Sonelgaz Distribution d'Alger (SDA), que les factures sont souvent délivrées avec 9 jours de retard et un niveau de créances faussé. Il a été relevé par cette même direction que les agences commerciales ne respectent pas le calendrier de relevé des compteurs. Le délai moyen entre la relève et la validation de la facturation est de 13 jours, sachant que le délai moyen ne doit pas excéder 6 jours. Le non-respect du calendrier de relève et la facturation au forfait sont cités parmi les causes de «factures fictives». La direction de l'audit de Sonelgaz a fait état également de la facturation d'organismes dissous et de créances remontant à 1995. Le PDG de Sonelgaz Alger, Mustapha Guitouni, a signé une directive le 31 juillet 2007 demandant aux chefs de division d'agir face aux «fausses facturations et surfacturations au préjudice de Sonelgaz et de ses abonnés». Dans cette directive, il rappelle que «le client n'est tenu de régler que sa consommation réelle matérialisée par une relève sincère et fiable», soulignant qu'«il y va de la crédibilité de notre société et de son équilibre financier». Les irrégularités constatées en matière de facturation de la clientèle démontrent que ce problème est devenu un véritable casse-tête pour l'entreprise publique. Le nombre de correspondances et de directives émises par-ci, par-là renseignent sur l'ampleur du problème et l'efficacité de l'organisation mise en place. Des sanctions parfois sévères ont été prises à l'encontre de certains agents accusés d'être les auteurs de ces erreurs. «Cadrage de chiffres» Le PDG du holding Sonelgaz, Noureddine Boutarfa, a été également informé de cette situation. Dans une note de service adressée aux PDG des filiales de distribution, il a cité «des pratiques liées à un cadrage de chiffres et de résultats qui semblent exister au niveau de certaines directions régionales de distribution». Il a énuméré également ces pratiques en citant, à titre d'exemple, «des manipulations d'index pour garantir un niveau de ventes permettant d'afficher un taux de pertes acceptable par la hiérarchie, l'interdiction de passer les annulations de factures afin de ne pas diminuer les ventes d'énergie et des résultats commerciaux et techniques faussés ne reflétant pas la réalité». Selon des cadres de l'entreprise publique d'électricité ayant requis l'anonymat, ces dysfonctionnements sont liés également au nouveau système de gestion des informations mis en place. «Nous avons d'énormes difficultés à travailler avec cette technologie. Certains agents ont même tenté de modifier et de manipuler des chiffres déjà enregistrés sans tenir compte des procédures en la matière», ont révélé ces cadres. Sonelgaz est confronté également au manque d'agences commerciales et aux horaires d'ouverture des caisses qui ne répondent pas aux attentes des citoyens (certaines caisses ne travaillent pas le jeudi après-midi et d'autres ferment à 15h30). Un système qui pénalise surtout les salariés exerçant hors de leur commune de résidence. Sonelgaz a un défi important à relever. Au vu de cette situation, le gouvernement a rejeté à plusieurs reprises la demande d'augmentation des tarifs, demandant aux responsables de l'entreprise de se pencher plutôt sur les problèmes internes avant d'envisager un réajustement.