Les bonnes nouvelles sont extrêmement rares en Irak depuis son invasion, en mars 2003, par l'armée américaine et son occupation malgré un semblant d'autorité locale qui ne doit son statut qu'à la coalition. Dans cet ordre d'idées, on apprenait hier que les exportations de pétrole ont retrouvé leur niveau normal après une réduction de moitié qui a duré près de treize jours. Mais alors que le pays souffre terriblement d'instabilité, des centaines de Turcomans chiites ont manifesté hier dans les rues de Kirkouk (nord de l'Irak) pour protester contre les tentatives des Kurdes de la ville d'accaparer, selon eux, des terrains leur appartenant. « Le but de cette manifestation est de faire entendre la voix de notre communauté auprès du gouvernement irakien et du monde entier (...) et de les prévenir des tentatives incessantes des Kurdes de prendre le contrôle de la ville », a déclaré un des organisateurs de cette manifestation. « Nous manifestons aujourd'hui de façon pacifique, mais demain nous pourrions utiliser la force pour les chasser de nos propriétés », a prévenu ce responsable du Front turcoman irakien. Selon les Turcomans, les Kurdes essaient de s'emparer des terrains et des propriétés dans les quartiers turcomans et arabes de cette ville. Les Kurdes affirment, pour leur part, avoir été chassés de ces propriétés sous le régime de Saddam Hussein, qui avait mené une politique d'« arabisation » dirigée contre les Kurdes. Environ 250 000 Turcomans habitent Kirkouk qui compte plus d'un million d'habitants, selon des estimations. Les Turcomans, minorité turcophone essentiellement implantée dans la région de Kirkouk, disent représenter 13% de la population totale d'Irak. Mais selon le dernier recensement datant de la fin des années 1970, ils ne constituent que 2% de la population. Ils craignent que les Kurdes cherchent à prendre le contrôle de Kirkouk, une ville où les rivalités ethniques sont très fortes, et à obtenir un Etat indépendant dans le nord du pays. A l'autre bout de l'Irak, de nouveaux affrontements ont éclaté hier dans la vieille ville de Najaf, visée dans la nuit par des raids de l'aviation américaine, tandis que l'inquiétude grandissait quant au sort de plusieurs journalistes occidentaux disparus en Irak. Des tirs nourris, mais sporadiques, se sont produits hier en début de matinée entre miliciens chiites de l'imam chiite Moqtada Sadr et l'armée américaine, à proximité du mausolée de l'imam Ali. Plus tôt dans la nuit, l'aviation américaine avait mené des raids provoquant trois explosions près du mausolée, l'un des lieux les plus saints pour les chiites. Les troupes américaines avaient pourtant allégé la veille leurs positions autour de la vieille ville, où se trouvent le mausolée et le cimetière, autre place forte des miliciens. Des combats opposent, depuis le 5 août, les miliciens aux forces américaines. Samedi, les tractations se sont poursuivies sur les modalités de transfert des clés de l'édifice au bureau du grand ayatollah Ali Sistani, le plus haut dignitaire religieux chiite en Irak, actuellement en Grande-Bretagne pour des raisons de santé. Quant au gouvernement irakien, il exige que les miliciens quittent les lieux et déposent les armes pour mettre fin aux combats. Preuve que les combats ne sont pas localisés à une région ou un groupe, les violences se sont poursuivies dans le reste du pays. Parallèlement, plusieurs médias occidentaux ont dit être inquiets au sujet de leurs journalistes en Irak, dont ils sont sans nouvelles. Un journaliste américain, Micah Garen, enlevé le 14 août dans le sud de l'Irak, est menacé de mort par ses ravisseurs. Toutefois, le bureau de Moqtada Sadr à Baghdad a affirmé samedi être en contact avec eux et estimé que M. Garen, 36 ans, pourrait être relâché dans deux jours, c'est-à-dire aujourd'hui si tout va bien. Si donc le pétrole reprend le chemin des pipelines et des tankers sans que l'on sache qui en est réellement le bénéficiaire, l'Irak demeure encore cette poudrière que les Américains ont mis au jour. Ils en ont été prévenus par les pays voisins, convaincus de l'importance et du danger de telles contradictions. Comment en sortira l'Irak ? Telle est la question qui revient avec insistance et à laquelle aucune réponse ne peut encore être apportée.