Pas encore chez les disquaires, toutefois le prochain album du groupe Freeklane sera bientôt disponible. Le groupe récidive avec un deuxième opus et bouscule toutes nos attentes. El Watan Week-end a été convié à l'écouter au studio Padidou. C'est à Draria, banlieue sud-est d'Alger, que le groupe Freeklane affine les dernières touches de son prochain album, produit dans le studio Padidou. Le label Padidou a une démarche résolument originale dans le paysage musical algérien, c'est aussi le producteur du groupe à succès Imzad, et d'autres artistes connus et moins connus. Au studio, les membres de Freeklane s'agitent dans les locaux, sons de guitares, ambiance studieuse à la technique, et en permanence en recherche d'inspiration. La finalisation d'un album recommande toute la sérénité de cette formation qui nous a fait voyager grâce à son premier album Lalla Mira réalisé en 2013. Malgré la lenteur de voir une industrie musicale se développer, le groupe s'accroche, ne désespère pas et s'arme de tous les moyens pour enregistrer leur deuxième album qui sortira prochainement chez Padidou. «Notre premier album Lalla Mira est comme une ‘carte d'identité'. Il nous a permis de nous faire connaître et de montrer au public ce que l'on fait musicalement. C'est aussi l'album qui nous a ouvert les salles de spectacles et les festivals en Algérie et à l'étranger», explique le chanteur du groupe Chemseddine Abbacha, appelé également Chemsou par ses amis et les fans. «Cet album a été enregistré dans le même studio, mais pas dans les mêmes conditions que le premier», précise Chemsou, qui ajoute : «Cette fois, notre producteur Padidou a mis à notre disposition son studio, alors que la fois précédente c'était différent. Nous travaillons dans de bonnes conditions et nous tenons à remercier notre producteur pour ça. Cette stabilité permet de se concentrer sur la création et non sur le temps qu'il nous reste de la journée. Travailler sereinement permet de donner le meilleur, je suis convaincu que ça se ressentira dans cet opus», assure-t-il. Societe Le nouvel album de Freeklane se compose de onze titres. «Pour réaliser ce deuxième album, nous avons profité de toutes les rencontres avec d'autres musiciens, où nous avons appris beaucoup de choses. Ce nouvel album est vraiment le fruit de toute cette expérience, en incluant la nostalgie du premier, Lalla Mira.» Concernant les thèmes abordés, Chemsou annonce déjà la couleur : «Je ne pense pas qu'il y ait un chanteur qui n'a pas évoqué l'amour, mais il y a aussi différentes manières de l'interpréter. Nous sommes touchés par ce qui se passe dans notre société, nos textes reflètent toutes ces composantes.» D'ores et déjà, le premier single se dévoile sous le titre Amazighia, un mélange entre rock et musique du Sud algérien, précisément touareg. «On parle de nos origines, de notre appartenance au nord de l'Afrique», revendique le chanteur de Freeklane. «On a osé faire du rai, à la sauce de Freeklane, dans la chanson Dounia qui relate la vie en la symbolisant par une femme. Chacun pourra faire son interprétation. On a abordé le style naïli dans un titre Manni madjnoun, afin d'évoquer le problème du régionalisme. Par exemple quand les parents n'autorisent pas certains mariages, parce qu'ils sont de régions différentes. Le plus important n'est pas d'être arabe ou kabyle, mais c'est d'être une personne avec des valeurs», défend Chemsou. Influences Si pour Freeklane, l'identité est importante, il n'en demeure pas moins qu'il arrive à toucher d'autres thématiques, comme dans la chanson Essouk qui est un microcosme de la vie quotidienne, ou encore dans Marijuana. «La marijuana est un fléau qui ravage le monde. Dans cette chanson, on raconte l'histoire d'un fermier qui trouve dans son champ des pousses de marijuana et se retrouve dans des soucis inimaginables. On a tenté d'aborder le sujet de manière comique pour essayer de faire passer notre message afin de dénoncer, sans être moralisateur ; mais c'est surtout pour expliquer la gravité du problème que ça engendre», explique Chemsou. La musique de Freeklane est métissée, le groupe n'hésite pas à puiser dans ses racines les plus profondes pour aller chercher les mélodies les plus inattendues, comme dans le titre Afrika. «Je chante avec des influences qui rappellent Youssou Ndour et dénoncent les guerres, rappelle Chemsous. Dans la chanson je cite toutes les capitales de l'Afrique avec un message vers la fin pour dire : ‘‘Arrêtez vos guerres, arrêtez vos génocides, arrêtez de faire peur aux enfants''…» dit-il. Communication Sans renoncer à leurs propres sons, Freeklane réinvestit dans un style teinté de rythmes africains, y compris algériens. «Dans cet album, on prend la direction des mélodies qui composent la diversité de notre continent. Nous avons eu l'opportunité d'aller en Afrique du Sud et au Maroc et nous espérons faire découvrir notre musique à d'autres pays. D'ailleurs, nous avons une date pour le festival Visa For Music qui se tiendra prochainement au Maroc», annonce Chemsou. Pour contourner les piètres réseaux de distribution, tous confondus, Freeklane ne se contente pas de monter sur des scènes ou d'être invité par des plateaux de télévision. Le groupe a une réelle stratégie de communication. «Notre équipe est très bien organisée, car chacun est dans son rôle. Le manager, l'infographe, le financier, le community manager, etc. Cette batterie de professionnels fait que le groupe tourne comme une réelle entreprise», révèle le chanteur de Freeklane, qui précise que malgré les efforts des artistes, avec une vision moderne de communication, «ça ne suffira pas, car il faudrait que tout le monde contribue, le gouvernement et les médias. Ils sont nécessaires à la diffusion et la promotion de l'œuvre artistique. En contrepartie, cette dernière peut contribuer à l'économie locale et à la promotion du pays à l'international», commente-t-il. Culture Loin d'une musique d'expérimentation, le groupe sait très bien quelle route emprunter pour se démarquer et montrer que malgré les difficultés que rencontrent les artistes, il est encore possible de faire de la musique en Algérie. «Je suis partagé, car c'est vrai qu'on peut se décourager facilement, avoue Chemsou, cependant il y a beaucoup de potentiel. En Algérie on a surtout un manque de culture musicale et parfois d'ouverture. Dans certaines régions de notre pays, être musicien demeure un tabou. Dans certaines familles, le fait qu'un jeune décide de faire de la musique son métier ne risque pas de plaire, les parents tentent de l'en dissuader. Les musiciens professionnels qui réussissent et arrivent à vivre de leur métier ne sont pas nombreux.» Ce sont toutes ces réalités et vérités que Freeklane veut déconstruire, comprendre et combattre à la fois, tout en restant conscient des possibilités. «Nous sommes un pays qui évolue rapidement et l'artiste doit faire beaucoup d'efforts pour imposer ses réalisations», constate Chemsou. De toute façon, «c'est la création qui fera parler de soi et non les moyens mis à disposition. C'est une équation logique, quand un artiste entreprend une démarche sincère pour produire de la bonne musique, rien ne peut entraver l'accès aux salles de spectacles, etc.» assure-t-il.