Les opposants à l'accord ont fait campagne en dénonçant notamment le «laxisme» des sanctions prévues contre les auteurs des crimes les plus graves. Les Colombiens ont rejeté, dimanche, l'accord de paix conclu par le gouvernement avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Le référendum, auquel étaient convoqués près de 35 millions d'électeurs, vise à mettre fin à 52 ans de conflit. L'accord de paix est rejeté par plus de 6,4 millions, soit 50,21% des votants contre quelque 6,3 millions de voix (49,78%) pour le «oui». Le taux de participation n'a été que de 37,28%. Les opposants à l'accord ont fait campagne en dénonçant notamment le «laxisme» des sanctions prévues contre les auteurs des crimes les plus graves et la participation des guérilleros démobilisés à la vie politique, craignant un «castro-chavisme» inspiré des régimes cubain et vénézuélien. La consultation a été voulue par le président Juan Manuel Santos afin de donner la «plus large légitimité» possible à l'accord qu'il a signé le 26 septembre avec le chef des Farc, Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Jiménez ou Timochenko. Déclenché en 1964 après une insurrection paysanne, le conflit a impliqué guérillas d'extrême gauche, paramilitaires d'extrême droite et forces de l'ordre, faisant plus de 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés. Le prédécesseur du président, Alvaro Uribe, opposant à l'accord et leader de l'opposition de droite, a proposé «un grand pacte national». Le lumignon d'espoir Conclu au bout de près quatre ans de pourparlers, sous l'égide de Cuba et de la Norvège, pays garants, ainsi que du Venezuela et du Chili, accompagnateurs, l'accord de paix comprend plusieurs volets. En résumé, la fin des affrontements inclut le désarmement des guérilleros sous supervision d'une mission de l'ONU, des garanties de sécurité pour les démobilisés et l'engagement des autorités à combattre les gangs issus des milices paramilitaires, en quête du contrôle des bastions des Farc. Rassemblés dans des zones de concentration, les guérilleros devaient en sortir sans armes dans les 180 jours suivant la signature de l'accord. Aussi, l'accord prévoit des réparations pour les victimes et des sanctions pour les responsables de crimes graves. Des tribunaux spéciaux devaient être créés pour juger les guérilleros, les agents de l'Etat et les particuliers impliqués dans des exactions telles qu'enlèvements, viols, déplacements forcés ou recrutement de mineurs. Ceux qui avoueraient pourraient bénéficier de peines alternatives. Sinon, ils s'exposaient à des condamnations de huit à vingt ans de prison. La plupart des guérilleros devaient être amnistiés. Dans un premier temps, le gouvernement devait octroyer aux Farc un minimum de cinq sièges à la Chambre des députés et cinq sièges au Sénat pour deux mandats de quatre ans. Les ex-guérilleros pourraient en emporter davantage, dès les prochaines élections en 2018. Des circonscriptions spéciales devaient être établies dans les zones les plus touchées par le conflit. Les candidats du futur parti des Farc devaient bénéficier de garanties de sécurité pour éviter la répétition des épisodes sanglants de la fin des années 1980, lorsqu'ont été assassinés quelque 3000 militants de l'Union patriotique (UP), leur bras politique issu d'une précédente tentative de paix. La défense des paysans pauvres, ainsi que des victimes de la violence des forces de l'ordre, est à la racine de la naissance des Farc. Ainsi est prévue une réforme agraire pour la répartition des terres, l'accès au crédit et l'installation de services basiques en zones de conflit. Sempiternelle violence En 1948 et 1954, lors de la guerre entre conservateurs et libéraux, période baptisée du nom de «La Violencia», le Parti communiste et les libéraux ont organisé des groupes d'autodéfense dans les campagnes, groupes d'où, ultérieurement, sont nés en 1964 les FARC. Leur principale revendication : un partage plus équitable des terres. Cinquante-deux ans plus tard, elles demeurent l'un des derniers mouvements révolutionnaires armés actifs sur le continent américain. Une année après, en 1965, surgit l'Armée de libération nationale (ELN). Ses revendications ne sont pas différentes de celles des Farc ; elle dénonce les groupes d'autodéfense auxquels elle est confrontée et la politique pétrolière du gouvernement qu'elle voit liée aux intérêts des multinationales. Ainsi, ses cibles principales sont les oléoducs. Plusieurs tentatives de négociations entre les gouvernements et les guérillas ont eu lieu. Sous la présidence du conservateur Belisario Betancur (1982-1986), un cessez-le-feu bilatéral est conclu lors des accords d'Uribe, le 28 mars 1984. D'où la création d'un parti politique, l'Union patriotique (UP), réunissant les militants des diverses gauches non armées, rejoints par de nombreux guérilleros des FARC démobilisés pour l'occasion. Après avoir fait élire 14 sénateurs, 20 députés, 23 maires et plus de 300 conseillers municipaux en 1986, les militants, sympathisants et dirigeants de l'UP vont être exterminés par les ultras de l'armée et les paramilitaires : 4000 morts, dont deux candidats à l'élection présidentielle, Jaime Pardo Leal en 1987 et Bernardo Jaramillo en 1990. Combattant insurgé revenu à la vie civile, élu député du Caquetá, Iván Márquez, comme bien d'autres, regagne le maquis à la fin des années 1980. Le M-19 est le premier mouvement de guérilla à signer un accord de paix avec le gouvernement. Il s'est converti en mouvement politique appelé Alliance démocratique M-19. Suivent en 1991 l'Armée populaire de libération (APL) d'obédience maoïste, le Parti révolutionnaire des travailleurs (PRT) et le mouvement indigène Quintin Lame. En 1994, c'est au tour du Courant de rénovation socialiste (CRS) d'opter pour la démobilisation. Sous la présidence du président Andrés Pastrana, des négociations dites «du Caguán» ont eu lieu entre octobre 1998 et février 2002. Entre-temps, Bogota mène la lutte contre les narcotrafiquants. D'où l'intervention des Etats-Unis qui considèrent la coopération avec la Colombie en la matière comme une question de sécurité nationale. Washington a estimé à la fin des années 1990 que 80% de la cocaïne et 50 à 70% de l'héroïne consommée sur son territoire proviennent de la Colombie. Cependant, pour la guérilla, cette lutte antinarco encadrée par les Etats-Unis constitue une occasion pour Bogota d'éradiquer les mouvements rebelles. De son côté, le président du Venezuela, Hugo Chavez, a refusé le survol du territoire de son pays par des avions américains dans le cadre de leur mission de lutte contre le narcotrafic.