L'armée a suspendu, hier en Colombie et pour un mois, ses bombardements contre la guérilla marxiste des FARC, un geste spectaculaire pour accélérer le processus de paix visant à résoudre le plus vieux conflit armé d'Amérique latine. L'ordre a été donné la veille par le président Juan Manuel Santos lors d'une allocution télévisée solennelle à la nation afin d'«impulser une désescalade du conflit» avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). L'arrêt des bombardements, élément clé de la stratégie militaire colombienne, constitue une mesure sans précédent depuis le lancement, en novembre 2012, de pourparlers de paix délocalisés à Cuba. A l'initiative de ces négociations, le président Santos, un dirigeant de centre droit réélu en juin dernier, a expliqué que cette stratégie répondait au cessez-le-feu décrété en décembre dernier par la guérilla. «Il faut reconnaître qu'ils respectent leur engagement», a souligné le chef de l'Etat, qui avait jusqu'à présent écarté toute trêve avant la signature d'un accord définitif avec la principale rébellion, fondée lors d'une insurrection paysanne en 1964. Après un délai d'un mois, les autorités procéderont à un nouvel examen de la situation, avant de reconduire ou non la suspension des bombardements, même si M. Santos a rappelé que les combats sur le terrain faisaient encore partie des «règles du jeu». Le conflit armé, qui a impliqué l'armée, des guérillas communistes, des milices paramilitaires d'extrême droite et des bandes criminelles, a fait en plus d'un demi-siècle quelque 220 000 morts et plus de cinq millions de déplacés, selon des chiffres officiels. Les négociations de paix ont déjà conduit à des accords pour une réforme rurale, sur la participation des guérilleros repentis à la politique et la lutte antidrogue. Dimanche dernier, les autorités et les FARC ont même entériné un plan de collaboration pour mener des opérations de déminage dans le pays le plus touché au monde par les mines antipersonnel, après l'Afghanistan. Lors de son allocution, le président colombien a aussi annoncé une «commission de conseillers pour la paix», composée d'anciens guérilleros, des religieux, des entrepreneurs et des leaders indigènes, ainsi que de personnalités politiques de tous bords. Toutefois, l'opposition a vivement critiqué l'arrêt des bombardements, à l'image de l'ancien président conservateur Alvaro Uribe, populaire pour sa fermeté envers les FARC, qui a accusé ses adversaires politiques de favoriser la «paralysie des forces armées» sur Twitter. Sous la pression de l'opinion, M. Santos a prévenu toutefois que l'armée allait intensifier ses actions contre la seconde rébellion du pays, l'Armée de libération nationale (ELN), l'exhortant à monter dans «le train de la paix» au lieu de poursuivre ses «activités délictueuses». Le gouvernement et cette rébellion, inspirée de la révolution cubaine, avaient officialisé en juin dernier des contacts exploratoires qui n'ont pas encore débouché sur des pourparlers dans le sillage des FARC. Selon M. Avila, ce haussement de ton du gouvernement a pour objectif de «mettre la pression sur cette guérilla afin d'ouvrir les négociations».