Agence France-Presse Bogota La Cour pénale internationale (CPI) a accentué cette semaine sa pression sur les autorités judiciaires colombiennes pour qu'elles jugent les responsables, jusqu'aux plus importants, des crimes contre l'humanité commis dans le pays depuis 2002. Le procureur de la CPI, Luis Moreno, a passé trois jours en Colombie –sa seconde visite en moins d'un an– pour examiner les procédures engagées. «La Cour pénale internationale garantira qu'il n'y aura pas d'impunité en Colombie», a-t-il prévenu. Nous respectons les procédures judiciaires colombiennes, mais si les «responsables les plus importants» ne sont pas jugés, «la CPI interviendra», a-t-il ajouté, laissant entendre que la Cour pourrait prendre les investigations à sa charge. «D'après nos informations, les FARC et les paramilitaires ont commis des crimes contre l'humanité. En terme de gravité, la Colombie est au même niveau que le Congo (Kinshasa), avec 5.000 morts depuis 2002», relève le procureur argentin. Jusqu'ici, 30 députés ont été emprisonnés dans le cadre du scandale de «para-politique», pour leurs liens avec les groupes paramilitaires d'extrême-droite, récemment démobilisés à la suite d'un accord avec le gouvernement. L'extradition de 13 chefs paramilitaires vers les Etats-Unis prive la justice colombienne de précieux témoignages, estime le procureur, «les personnes chargées des procédures judiciaires estiment que les extraditions sont un obstacle» à leur travail. C'est la seconde visite en moins d'un an du procureur du CPI en Colombie, pays qui a ratifié en 2002 l'acte fondateur de la CPI. Le président colombien Alvaro Uribe a lui-même été éclaboussé par le scandale de la para-politique. Son cousin, ancien président du Sénat, a été arrêté, puis remis en liberté trois plus tard, et la plupart des parlementaires incarcérés appartiennent aux partis de la coalition au pouvoir. À l'issue d'un entretien avec M. Uribe, Luis Moreno a dit avoir reçu des assurances du «respect de l'indépendance du pouvoir judiciaire». La Cour suprême de Colombie avait alerté lundi le procureur des difficultés qu'elle rencontrait dans l'instruction de dossiers liés à la «para-politique» et affirmé être victime d'un «complot» de la part du gouvernement d'Alvaro Uribe. L'opposition affirme que les juges devraient enquêter jusqu'au sommet de l'Etat pour trouver les commanditaires des activités des paramilitaires, coupables de massacres de civils. «Nombreux sont ceux qui ont très envie de me voir prisonnier ici, destitué ou prisonnier de la Cour pénale internationale (…). Mais nous avons agi avec honnêteté, dans un rigoureux respect de la constitution colombienne», leur a répondu Alvaro Uribe. La guérilla des Forces armées révolutionnaires de colombie (FARC, marxiste) est également dans le colimateur de la CPI mais pour l'instant inaccessible, au coeur de la jungle colombienne. La CPI souhaite la collaboration de pays comme le Venezuela, le Costa Rica et l'Equateur sur le territoire desquels elle soupçonne l'existence de structures d'appui aux FARC. La fonction de la CPI est de juger les crimes contre l'humanité, crimes de guerre et génocide, dans les pays signataires où la justice ne semble pas pouvoir –ou vouloir– poursuivre un de ses ressortissants. Les Etats-Unis refusent de reconnaître cette juridiction.