Notre texte aujourd'hui est un véritable appel : nous demandons à tous nos amis, à tous nos frères, à tous nos proches, à tous ceux qui ont confiance en nous de nous rejoindre demain, jeudi 2 novembre, à 18 h à la filmathèque Zinet pour voir ensemble Lettre à ma sœur, un film documentaire de Habiba Djahnine. Nous ne regretterons jamais. Même plus, nous sommes fiers d'avoir écrit il y a quelques années dans un article intitulé « Une battante belle et courageuse » : Habiba est avec nous calme et lucide, elle engage le tournage de son film lettre à ma sœur et nous sommes certains qu'elle sera de retour au printemps prochain pour nous le montrer. Il est vrai que ce printemps nous arrive en novembre et c'est tant mieux. Si nous nous permettons de faire appel à tous nos amis pour voir le film de Habiba, si nous leur conseillons cette projection avant d'avoir vu ce produit nous-mêmes, c'est parce que nous sommes certains que cela vaut le déplacement et restons par la même, fidèles à nos règles et principes : saluer toute production cinématographique nouvelle, ne jamais juger un film, car seul le temps implacable et juste peut le faire. Pour le film de Habiba, cela va plus loin, même très loin. Lorsqu'on sait que cette femme travaille sur son film depuis plus de trois ans, que durant de nombreuses journées et nuits, très nombreuses, elle n'a cessé de penser à son sujet, elle n'a cessé d'écrire et de réécrire son scénario, elle n'a cessé — comme les vieilles de chez nous qu'elle aime tant — remettre sans cesse l'ouvrage sur le métier. Par la suite, les moments de construction étaient encore plus difficiles et plus prenants car il fallait monter une production, tourner, et passer par cette épreuve difficile et insupportable pour beaucoup, le montage. Le produit achevé, l'enfant né, il reste encore du travail. Il faut le porter, il faut le montrer. Il faut affronter d'autres regards, d'autres sensibilités. Plus dur encore, il faut convaincre. Tout cinéaste confirmé vous le dira, il va de soi que pour nous un cinéaste confirmé est un cinéaste qui souffre. Lorsqu'on engage un film, il faut deux choses indispensables : avoir quelque chose à dire et le dire à quelqu'un. Pour la première proposition pas d'angoisse ni de peine pour Habiba. Son sujet est grand ; il est terrible, il est émouvant. Il traite de la vie, plus précisément de la vie, de la mort de sa sœur Nabila lâchement assassinée par nos ennemis en 1995. Pour la seconde proposition, le milieu, toutes les pollutions qui nous entourent, tous les mensonges qui nous encerclent ne laissent plus d'espace ou presque plus au mot vrai, au mot juste et lorsqu'il nous arrive, lorsqu'il nous touche, nous sommes alors abasourdis. Nous nous retrouvons figés comme frappés par la foudre, cela est si nouveau à chaque fois.