Il est de ces battantes et combattantes, ces femmes courage –ayant défié à leur corps défendant l'obscurantisme et la folie meurtrière terroriste dépassant tout entendement humain lors de la tragique et mortifère décennie écoulée en Algérie– qu'on ne peut oublier et qu'on immortalise et évoque à travers des mots et des images. Ce sont ces victimes expiatoires et privilégiées de la barbarie intégriste. Comme Nabila Djahnine, morte assassinée pour ce qu'elle représentait. Naître femme. Elle était coupable d'innocence. Onze ans après l'assassinat de Nabila Djahnine, présidente alors de l'association Thighri N'tmettouth (Cri de femme), une certaine et cruelle journée du 15 février 1995, à Tizi Ouzou, à la fleur de l'âge, à 29 ans, sa sœur, Habiba, éprouvée, marquée, rongée et mutilée intrinsèquement , souligne et révèle sa mémoire, en devenant une documentariste. Un acte filial et familial contre l'oubli et par acquis de conscience envers sa sœur Nabila. Et ce qui est pertinent et novateur dans l'approche filmique de la réalisatrice Habiba Djahnine, c'est son angle d'attaque pour ne pas dire son point de vue focal et focalisant. Le documentaire, proprement dit, est décliné d'une manière épistolairement posthume. Il s'agit d'une réponse –depuis ce bas monde à l'au-delà– à une lettre que Nabila lui avait écrite un an avant son assassinat. Un pli prémonitoire. Nabila y racontait l'escalade de la violence, la répression, les assassinats, les espoirs si maigres et son désarroi face à l'action quasi-impossible en ces années de plomb. Habiba était partie vivre quelque temps dans le Sud algérien. Et elle n'a pu répondre à sa sœur Nabila, arrachée à la vie prématurément. Regrets ou culpabilité. D'où cette réponse absolument vitale. « C'est un film qui traite de l'assassinat de ma sœur Nabila. L'idée a germé voilà 5 ans. Le travail de réalisation a pris trois ans. Le temps de la maturation, du recul, la construction du propos autour de l'assassinat de ma sœur. Un retour sur les lieux, revoir les gens, les proches ou encore les riverains... Savoir comment ont-ils ou non géré cette douleur ? Un documentaire pour la construction de la mémoire collective... C'est un film retraçant un drame avec des mots et des images... La question est comment se reconstruire ?... Je pose un regard personnel sur une guerre fratricide... J'utilise ma douleur pour avancer... Mon film est une lettre outre-tombe de ce qu'est devenue l'Algérie avec une trame poétique... » Le documentaire Lettre à ma soeur a été projeté le 20 octobre à Paris. Le jeudi 2 novembre à 18h, le film sera présenté à la cinémathèque Mohamed Zinet de Riadh El Feth et le 4 novembre à 12h au salon du Livre (Pins maritimes, au stand de la librairie 1000 Feuilles). Un assourdissant cri de femme, du cœur.. !