Pas moins de 1000 ha de forêt ont péri sous des flammes ravageuses durant tout le mois d'octobre. Lors de la plantation d'arbres dans le domaine agricole Ben Dada, à Staouéli, lundi dernier, le directeur de la mise en valeur des terres, Khelifa Abdelrkader, relèvera : « C'est peu. » C'est peu, peut-être, mais c'est déjà beaucoup quand on sait que reboiser ou juste planter quelques arbres dans la wilaya d'Alger relève du parcours du combattant. La wilaya est, on le sait, pauvre en espaces verts. Mais en plus, les communes ne font pas toujours l'effort d'extraire un terrain vague pour le reboiser. Pourtant, la demande est là. M. Khelifa, dès qu'un micro lui est glissé sous le nez, n'hésite pas à demander des terres pour y planter des arbres. « Je tiens à remercier chaleureusement le P/APC de Staouéli pour l'octroi de 7,5 ha à reboiser ainsi que les efforts du wali d'Alger ». Il ne s'agit pas ici d'une simple formule de politesse du ministère de l'Agriculture en direction d'un agent de l'Etat. En effet, le P/APC de Staouéli a tout mis en œuvre pour dégager ce terrain afin d'y planter exactement 1500 plants. L'année dernière encore, cet espace était occupé par des bidonvilles. Il s'agissait de reloger ces familles et de déblayer la place pour y accueillir acacias, eucalyptus, pins d'Alep et pin maritime, cyprès, pistachier sauvage, freine, robinier et albisia. En cette fameuse journée de célébration de l'arbre, c'est sous une humidité accueillante que les plants ont regagné une terre retournée et travaillée pour la circonstance. Tout ce travail prodigué par des mains innocentes : les enfants. L'association scientifique Découverte de la nature ainsi que Rayon de soleil ont tenu à faire participer quelque 90 enfants d'une dizaine d'années environ à la plantation de ces arbustes. Gageons qu'ils reviendront dans plusieurs années admirer leur travail quand l'arbuste aura atteint l'âge adulte. « ça sert à donner de l'oxygène, des fruits, des fleurs », explique consciencieusement Meriem. « Et de l'ombre », ajoute son amie Célia. Du haut de leur 10 ans, c'est en toute sincérité qu'elles ont acheminé le plant jusqu'à son trou pour qu'il puisse y implanter ses racines. Et tout aussi consciencieusement, elles se sont débrouillées à porter un sceau rempli d'eau pour abreuver « celui » qu'elles venaient de planter. « C'est pour les nouvelles générations », reprend Meriem sans comprendre que c'est d'elle qu'elle parle. Visiblement, on leur a bien fait les cours à l'école Les Glycines à Air de France dans la commune de Bouzaréah. Tout comme à l'école Rabih Bouchamah dans le quartier de Belfort à El Harrach, dont l'enseignant, Albane Nordine, fait un cours pratique pendant la séance de plantation. « Etes-vous fier de vous ? Considérez-vous que vous avez fait une bonne action en plantant un arbre ? A quoi ça sert ? », interroge-t-il. Les enfants agglutinés autour de lui et les chaussures salis par la terre meuble et humide répondent tous en même temps. D'autres, préoccupés par la sauterelle qu'ils viennent de ramasser et qu'ils exhibent en direction des filles habituées, ont un tout autre contact avec la nature. Le miel et les abeilles Les enfants sont loin des feux qui ont ravagé ces derniers jours les forêts avoisinantes. Quand nous reboisons par là, nous en perdons ailleurs. Selon M. Khelifa, le même phénomène s'est produit en 1982 et pour exactement les mêmes localités : Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira et Tipaza. Tandis que les citoyens émettent l'idée qu'il s'agit de feux provoqués par les services de sécurité pour faire fuir les terroristes, M. Khelifa soutient que les 100 foyers, répertoriés ces derniers jours, proviennent principalement de l'activité d'enfumage des apiculteurs. Toujours selon lui, octobre correspond pour les apiculteurs à la récolte du miel produit par les abeilles et cette activité est légion dans cette partie du pays. Ainsi, pour la récolte, l'apiculteur traditionnel allume un feu à proximité des essaims afin de faire fuir les abeilles et récolter le miel. « Nous réfléchissons à des mesures tendant à moderniser cette profession nécessaire à notre économie, mais qui doit être pratiquée sans mettre en danger la forêt. Peut-être allons-nous dégager des enveloppes pour leur fournir le matériel nécessaire à l'enfumage… », répond M. Khelifa. Cependant, du matériel ne servirait à rien sans un travail de proximité pour faire prendre conscience aux apiculteurs que l'enfumage est une action dangereuse. Le directeur de la mise en valeur des terres préconise l'octroi par les APC de 2 ha pouvant servir au reboisement. Ce qui aboutirait pour 1541 communes à quelque 3000 ha de reboisé par an. Pour obtenir une couverture végétale appréciable, il va falloir mener de front deux batailles : reboiser mais également protéger ce qui existe déjà.