Le terrorisme en Algérie est-il devenu un fait divers même lorsqu'il frappe avec une violence qui nous rappelle les années sombres pour ne pas susciter de réactions ni de la part des pouvoirs publics ni de la classe politique et de la société civile ? L'horreur vécue par les policiers des commissariats de Réghaïa et de Dergana et les riverains suite aux attentats aux camions piégés de dimanche dernier ne semble pas avoir troublé la quiétude et les certitudes politiques du pouvoir et des états-majors politiques qui ont donné leur bénédiction à la charte pour la paix et la réconciliation nationale. En faisant le dos rond et en accusant les coups sans broncher, le pouvoir se montre soucieux de sauvegarder le processus politique de réconciliation nationale à laquelle les derniers attentats spectaculaires de dimanche dernier ont porté un rude coup. Il est, en effet, symptomatique que la psychose toute légitime qui s'est emparée des habitants de ces localités ciblées par les derniers attentats – une psychose qui a gagné les habitants de la capitale – n'ait pas été jugée suffisamment préoccupante au niveau des sphères du pouvoir qui sont restées de marbre devant ce nouveau défi terroriste qui agit avec une facilité opératoire inquiétante en frappant au cœur de la capitale. Si personne n'attendait une réaction du président de la République, qui aurait été bien embarrassé de s'exprimer sur ces attentats qui résonnent comme un défi à la politique de réconciliation nationale dont il est l'architecte en chef, on attendait en revanche tout au moins des déclarations de dénonciation fermes de la part du chef du gouvernement, du ministre de l'Intérieur en charge de la sécurité des citoyens et de la classe politique. Abdelaziz Belkhadem, qui était l'invité hier de l'émission de la radio Chaîne I « Tahaoulet », n'a pas eu une seule pensée pour les victimes des derniers attentats évitant toute allusion à ces événements tragiques, sinon de se lancer dans l'exégèse habituelle des vertus de la politique de la réconciliation nationale et sur le recul du terrorisme en Algérie. Les Algériens qui ont écouté l'intervention du chef du gouvernement auront été certainement très rassurés sur leur sécurité en voyant ainsi Belkhadem surfer allégrement sur la vague terroriste comme dans un jeu électronique virtuel. Dans l'esprit des responsables algériens, se positionner sur ces attentats et ceux qui les ont précédés, c'est reconnaître que le terrorisme n'est pas dans sa phase déclinante comme on le soutient, surtout que les derniers attentats ont fait appel à des moyens logistiques lourds que l'on pensait appartenir à un passé révolu. Et que la politique de réconciliation nationale est sujette à caution. D'aucuns, à tort ou à raison, ont déjà conclu que la multiplication des attentats au cours de ces derniers mois et le bilan plutôt mitigé des effectifs des repentis sont des signes patents de l'échec annoncé de ce projet. Tout aussi inexplicable est le silence de la classe politique, toutes chapelles confondues. Même les partis politiques, qu'on ne prenait pourtant jamais en défaut par le passé au moindre attentat terroriste, se sont eux aussi étrangement alignés, par leur silence, sur la position du pouvoir. Effet de la lassitude ? Calcul politique ? Devant ce silence général et généralisé, les islamistes dits modérés, qui squattent les allées du pouvoir ou qui frappent à la porte du pouvoir, ont aujourd'hui le beau rôle de goûter aux joies et aux privilèges dus à la clientèle du pouvoir sans être politiquement comptables de leurs positions sur la question du terrorisme. Il est, en effet, loin le temps où les islamistes qui flirtaient avec le pouvoir étaient sommés de se positionner à chaque fois qu'une bombe explosait et qu'une victime du terrorisme tombait. Autre temps, autres mœurs. Le danger est que cette perte de vitalité et de combativité de la société dans ses différents segments face au phénomène du terrorisme soit exploitée par les terroristes pour accentuer encore davantage leur pression .