Le mois d'octobre a commencé avec la rupture du dialogue entre Moscou et Washington à propos de la Syrie. Cela s'est poursuivi avec de nouveaux gestes de défiance de part et d'autre. L'Administration américaine a notamment accusé Moscou et Damas de «crimes de guerre» à Alep. Signe de cette tension grandissante, Washington a, par la suite, mis en cause directement la Russie dans des piratages liés à la campagne présidentielle américaine constatés au cours des derniers mois. Le produit de ces piratages a été publié sur les sites WikiLeaks, Guccifer 2.0 et DCLeaks. Les Etats-Unis ont promis d'y répondre. En réaction à ces accusations, la Russie a appelé de son côté à la suspension de plusieurs programmes de coopération avec les Etats-Unis dans les domaines du nucléaire et de l'énergie. La tension entre les deux puissances n'a jamais atteint un niveau aussi fort ces derniers mois. Nombreux, ces actes de défiance font craindre à bon nombre d'observateurs une confrontation directe entre les deux puissances, surtout que Moscou considère que «la politique de Washington envers la Russie est basée sur une russophobie agressive dont les conséquences nuisent aux intérêts nationaux de la Russie et menacent sa sécurité». Dans une interview accordée dimanche à la chaîne russe ORT, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a d'ailleurs considéré «l'attitude de l'Organisation du traité de l'Atlantique-Nord (OTAN) et de ses infrastructures militaires le long des frontières de la Russie, le déploiement d'armes lourdes américaines et les sanctions comme l'expression d'actes inamicaux, voire hostiles». Pour le chef de la diplomatie russe, il est certain que «les relations entre les deux pays ont subi des changements fondamentaux». Des changements qui trouveraient leur origine dans la crise ukrainienne. Un conflit quasiment certain Pour sa part, l'Amérique voit désormais la Russie comme une importante menace. Pas plus loin que mardi dernier, le chef d'état-major de l'armée de terre américaine, le général Mark Milley, n'a pas hésité à émettre un avertissement sévère à l'encontre des menaces potentielles comme la Russie. «Je veux être bien clair avec ceux qui veulent nous faire du mal (...), l'armée des Etats-Unis (…) va vous stopper et vous battre plus durement que vous ne l'avez jamais été auparavant», a déclaré le général Mark Milley lors de la réunion annuelle de l'Association of the United States Army à Washington DC. Milley a également cité un haut responsable russe qui aurait déclaré publiquement : «L'ordre mondial établi subit un bouleversement fondamental» et que «la Russie peut maintenant mener une guerre conventionnelle en Europe et la gagner». Tous ces éléments font dire au chef de l'état-major de l'armée américaine, Mark Milley, qu'un conflit avec la Russie est «quasiment certain». L'avertissement allemand De nombreux responsables occidentaux assurent qu'il ne s'agit pas là d'un coup de bluff et soutiennent que le monde n'a jamais été aussi proche d'une 3e guerre mondiale. C'est le cas du chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, qui a indiqué cette semaine, dans une déclaration au quotidien Bild, que la période actuelle est «plus dangereuse» que la guerre froide. «C'est une illusion de croire qu'il s'agit de l'ancienne guerre froide. Les temps actuels sont différents, plus dangereux», a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères au quotidien le plus lu du pays. «Le danger d'une confrontation militaire est considérable», a abondé aussi l'ex-diplomate allemand Wolfgang Ischinger, qui a été médiateur de l'OSCE pour l'Ukraine, cité dans le même article. «Ce danger n'a jamais été aussi important depuis des décennies et la confiance entre l'Ouest et l'Est jamais aussi faible.» La sphère actuelle de rivalité entre les Etats-Unis et la Russie n'est pas l'idéologie. Elle renvoie plutôt à une concurrence pour la défense des intérêts nationaux dans l'espace postsoviétique. Quoi qu'il en soit, le danger est tellement important que le dernier dirigeant de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, est monté justement hier au créneau pour appeler à une urgente désescalade. «Je pense que le monde s'approche dangereusement de la zone rouge», a déclaré M. Gorbatchev à l'agence de presse russe RIA Novosti. «Je ne voudrais pas donner de recettes concrètes mais je veux dire qu'il faut que ça cesse. Nous devons renouer le dialogue. Y mettre fin a été une grave erreur», a-t-il ajouté. L'ancien dirigeant de l'URSS a invité en outre à «revenir aux principales priorités», citant la lutte contre le terrorisme, le désarmement nucléaire et la protection de l'environnement. «A côté de ces défis, tout le reste est insignifiant», a-t-il souligné. Son appel fera-t-il éviter au monde un choc dévastateur dont personne ne sortira indemne ?