La maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou a abrité, lundi dernier, une rencontre portant sur le thème «La méthodologie pédagogique de Saïd Boulifa dans l'enseignement de la langue amazighe». Organisée par la direction locale de la culture, l'université Mouloud Mammeri et les associations Boulifa et Issegh, cette journée a été mise à profit par les conférenciers pour rappeler la vie et l'œuvre de ce linguiste et anthropologue du XIXe siècle qui demeure méconnu en Algérie. Pour Saïd Chemakh, enseignant de tamazight à l'université Mouloud Mammeri, Saïd Boulifa est l'un des premiers algériens à élaborer des méthodes d'enseignement de la langue amazighe. C'était en 1897. «Deux siècles après, ce qui est sauvegardé de ses œuvres est toujours d'actualité pour les linguistes et les pédagogues. Il avait sa propre méthode d'enseignement. Boulifa créait lui-même ses propres supports pédagogiques». Le mérite de Saïd Boulifa revient aussi au fait d'avoir sauvé de la déperdition certains des textes littéraires d'une grande valeur et des poèmes de Si Mohand Ou M'hand qu'il a eu la chance de connaître, a-t-il ajouté. Disséquant les œuvres de l'écrivain, M. Chemakh a noté : «Boulifa a publié son premier ouvrage en 1887. Il portait le titre de Une première année de la langue kabyle. La même année paraissent simultanément Les méthodes de la langue kabyle de René Basset et de Belkacen Bensedira. Boulifa a consacré toute sa vie à la recherche sur la langue amazighe, en plus de l'histoire, l'archéologie et la sociologie». Lui succédant, Ali Bekhti, enseignant de tamazight, a déploré l'absence des textes de Amar Boulifa dans les manuels scolaires algériens. Dans son allocution d'ouverture, la directrice de la culture, Nabila Gouméziane, a plaidé en faveur de la baptisation d'un édifice culturel du nom de Boulifa. Un membre de la famille Boulifa a témoigné, pour sa part, sur les valeurs humaines de ce personnage qui a dédié sa vie au savoir. «Il passait son temps à lire et à écrire, au point où il avait oublié de fonder un foyer. C'est le premier écrivain musulman francophone à avoir écrit un livre, malheureusement il demeure méconnu dans son propre pays.» Né en 1861 à Adni, dans la commune d'Irdjen (Larbaâ Nath Irathen) il était titulaire de plusieurs diplômes dont le certificat d'aptitude à l'enseignement (1890), le brevet de capacité d'enseignement primaire (1890), le brevet des langues kabyles (1892), le diplôme des dialectes berbères (1896) et le brevet des langues arabes (1901). Il a écrit plusieurs ouvrages sur la langue et la poésie kabyles, l'histoire du Djurdjura, les manuscrits berbères du Maroc, l'archéologie et l'histoire de la région de Kabylie. Il décède le 8 juin 1931 à Alger. «Boulifa a été le grand précurseur berbérisant kabyle, un grand savant, mais aussi un défenseur engagé et constant de la langue et de la culture berbères. Toute son œuvre est un plaidoyer fougueux pour la défense et l'illustration de la langue et de la culture berbères, dans toutes ses dimensions, linguistique, littéraire, historique et sociale, et dans toute son extension géographique», écrivait à son propos Salem Chaker, docteur en lettres, spécialiste de linguistique berbère, professeur de berbère à l'université d'Aix-Marseille/Inalco-Paris.