Une journée d'études sur l'œuvre de Si Amar Ou Saïd Boulifa (1865-1931) a été organisée hier à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou sous le thème «Boulifa, précurseur de la recherche anthropologique et linguistique sur sa société». Plusieurs universitaires ont pris part à cette rencontre initiée par la direction locale de la culture, en collaboration avec l'association Issegh de Souamaâ (Mekla). «Cette journée d'étude est un moment de commémoration et de partage autour de la grandeur de l'œuvre de Boulifa. Il est l'un des premiers Algériens à avoir élaboré des méthodes d'enseignement de la langue berbère. Boulifa est avant tout l'une des premières personnes à avoir défié le savoir colonial en enclenchant un processus de recherches sociologiques et littéraires sur la culture algérienne et qui l'a imposée tout en posant un regard contradictoire à celui des colons. Par son travail, nous avons aujourd'hui la chance d'avoir une banque de données sur les œuvres poétiques d'une grande personnalité à savoir Si Mohand Ou M'hand», a indiqué la directrice locale de la culture, Dalila Gouméziane, dans son allocution d'ouverture. Pour Saïd Chemakh, docteur en linguistique berbère à l'université Mouloud Mammeri, Boulifa était en avance sur les auteurs français de l'époque. Il rappellera ses ouvrages publiés depuis1887 tels que Une première année de langue kabyle, Recueil de poésie kabyle, édité en 1904 chez Jourdan, Textes berbères en dialecte de l'Atlas, Glossaire kabyle-français, Le Djurdjura à travers l'histoire, de l'Antiquité à 1830 et autres ouvrages. Le conférencier a déploré le fait qu'aucune institution étatique ne porte encore le nom de cet érudit, y compris dans sa région natale. Evoquant la vie de son oncle, Boulifa Lila abondera dans le même sens pour demander la baptisation du campus universitaire de Tamda au nom de cet homme de culture. «Il a sauvé de l'oubli des textes littéraires d'une grande valeur et des poèmes de Si Mohand Ou M'hand qu'il a eu la chance de rencontrer. On ne sait toujours pas le lieu où est enterré Saïd Boulifa. Probablement à El Kettar. Nous avons cherché dans les registres des hôpitaux, sans trouver de traces à ce jour». Halouane Hacène, enseignant en lettres françaises à l'université de Tizi Ouzou a consacré sa communication à Boulifa le précurseur de la cause amazighe. «La vie de Boulifa a influencé son œuvre. Son évocation fait partie de la reconquête de notre histoire. Nous devons déterrer notre patrimoine», a déclaré le conférencier. Annoncé au programme, Salem Chaker, docteur en lettres, spécialiste de linguistique berbère, professeur de berbère à l'université d'Aix-Marseille/Inalco Paris, n'a pas pu faire le déplacement. Il a fait parvenir aux organisateurs une communication intitulée Si Amar Boulifa (1865-1913) : le grand précurseur berbérisant. «Boulifa a été le grand précurseur berbérisant kabyle, un grand savant mais aussi un défenseur engagé et constant de la langue et de la culture berbères. Toute son œuvre est un plaidoyer fougueux pour la défense et l'illustration de la langue et de la culture berbères, dans toutes ses dimensions, linguistique, littéraire, historique et sociale, et dans toute son extension géographique.»