La mémoire est têtue et le souvenir est un devoir. 55 années se sont écoulées depuis cette horrible nuit du 17 octobre 1961 où le «monde civilisé» a montré encore une fois sa face barbare. Une criminelle descente policière a chargé des milliers de manifestants pacifiques qui avaient pourtant mis leurs plus beaux atours en réponse à un appel de la Fédération de France du FLN, pour dénoncer un couvre-feu raciste imposé aux Algériens et clamer dans le calme sur l'avenue des Champs-Elysées l'indépendance de l'Algérie. Une nuit d'horreur a transformé la capitale des Lumières en un grand centre de torture. Une centaine d'Algériens ont trouvé la mort et ont été jetés dans la Seine, une centaine d'autres ont été portés disparus. Plusieurs blessés sont dénombrés et des dizaines d'arrestations au faciès sont rapportées par les témoins. Même l'écrivain Gabriel Garcia Marquez, victime de son apparence maghrébine, n'y a pas échappé : il a été tabassé et conduit au commissariat. Ordre avait été donné aux policiers de massacrer. Si la colonisation excellait dans «l'art» de tuer l'Arabe de 1830 jusqu'à 1962 en terre algérienne, les Français de la métropole voyaient pour la première fois, le 17 octobre 1961, en terre française, le visage immonde et brutal de la France coloniale. Aucun argument ne pouvait servir les autorités françaises pour justifier une terrible répression qualifiée de «crime d'Etat» et de «répression la plus violente qu'ait jamais provoquée une manifestation de rue en Europe occidentale dans l'histoire contemporaine», disent les historiens. Pourtant, cet événement demeure occulté et non reconnu par les officiels français malgré les appels des historiens. Comme une France qui refuse de regarder en face les crimes commis en son nom, aucun responsable des massacres de cette nuit d'horreur n'a été jugé à ce jour. Même les archives de la brigade fluviale sont refusées aux chercheurs. Cette brigade était chargée, en ce terrible mois d'octobre 1961, de remonter les corps des victimes noyées dans la Seine. Le président François Hollande avait reconnu au début de son mandat la «sanglante répression» du 17 Octobre, mais sans aller plus loin. Candidat à la présidentielle, Hollande avait pourtant signé la pétition du Collectif du 17 Octobre 1961 exigeant la condamnation par la France d'un crime d'Etat. Il n'appliquera pas ce à quoi il avait appelé en étant candidat. Il a même opéré un net recul par rapport à cette question et se fourvoie dans des déclarations sur «les massacres de harkis» comme une manière de se dérober au devoir de reconnaissance du massacre du 17 Octobre et de bien d'autres massacres commis par la France coloniale. Côté algérien, la date du 17 octobre et la contribution de l'émigration algérienne à la lutte de libération n'ont pas eu toute la portée qu'elles méritent dans l'enseignement de l'histoire.