L'empire du Milieu et le continent noir comptent asseoir une relation de complémentarité. La Chine pourrait ainsi tirer profit des ressources naturelles de l'Afrique, et cette dernière profiterait de l'investissement des devises chinoises dans ses économies empêchées de se développer faute de ressources financières suffisantes. Tout porte à croire, selon les analystes, qu'entre la Chine qui monte en puissance et le continent africain toujours en quête de modèle de développement, il y a de solides bases pour former un duo de choc et réaliser un nouvel élan de leur partenariat décidément stratégique. En gros, la Chine est en passe de s'éveiller grâce à l'Afrique. Cela fait bien longtemps que la Chine a établi des connexions avec le continent noir. Mais si elle a été présente en Afrique depuis les années 1960, les engagements politiques maoïstes de l'époque ont désormais laissé la place à des objectifs beaucoup plus commerciaux et énergétiques. En 2005, la Chine a acheté 38,47 millions de tonnes de pétrole à l'Afrique, soit 9% de plus que l'année précédente, selon des chiffres officiels chinois. Rien que pour le début de l'année 2006, elle a ainsi investi dans 27 projets pétroliers ou gaziers répartis dans 14 pays africains, selon le gouvernement chinois. En Occident, la Chine est critiquée parce qu'elle n'hésite pas à conclure des accords énergétiques avec des pays comme le Soudan, mis en cause par la communauté internationale pour sa politique des droits de l'homme et en particulier pour les violences dont sont victimes les civils au Darfour. Peu importe, les Chinois repoussent les critiques occidentales, leur renvoyant leur passé colonialiste. Le rapprochement sino-africain n'a pas été du goût du président de la Banque mondiale (BM) Paul Wolfowitz qui, dans un récent entretien publié par le quotidien économique Les Echos, a mis en garde la Chine à propos de certaines de ses pratiques en Afrique. Pour M. Wolfowitz, son inquiétude porte sur le réendettement de certains pays pauvres auprès de pays comme la Chine ou l'Inde. Alors que « près de 80% des banques commerciales dans le monde respectent les principes de gestion des risques sociaux et environnementaux lorsqu'elles financent des projets », souligne le président de la BM, « les grandes banques chinoises, elles, ne les respectent pas. » Pour toute réponse, les responsables chinois ont choisi d'ironiser sur ces critiques, les qualifiant de « sensationnelles ». « On exagère pour faire sensation, on a l'impression que la pauvreté dans ces pays est causée par la Chine », a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Qin Gang. Jusqu'à présent, au total, la Chine a investi en Afrique 6,27 milliards de dollars couvrant les domaines aussi divers que le commerce, l'industrie de transformation, l'exploitation de ressources, les télécommunications, l'agriculture. Dans le cadre de l'aide gouvernementale, la Chine a réalisé 720 projets clefs en main pour 49 pays africains. Elle a déjà annulé 1,2 milliard de dollars de dettes contractées par 31 pays d'Afrique. Mais même au sein des pays africains, on ne voit pas d'un très bon œil le rapprochement avec la Chine. En Angola, l'opposition estime que les entreprises chinoises, impliquées dans la reconstruction de ce pays dévasté par la guerre civile, menacent la main-d'œuvre locale. Même son de cloche en Zambie où la question a agité la campagne électorale des élections générales de septembre. Au Gabon, les écologistes redoutent l'impact de la mise en exploitation des gisements de fer. « Les bénéfices pour l'Afrique sont très faibles », estime l'économiste zimbabwéen Eric Bloch. « La balance des échanges n'est pas équilibrée. L'Afrique a toujours dû acheter de la Chine sans pouvoir vendre ses propres produits », ajoute-t-il. « Ils disent que la Chine pompe les ressources minières du continent africain et inonde les marchés africains avec des marchandises à bas prix. Ce type de critiques, estime-t-on, n'est pas nouveau pour la Chine. Dans les années 1990, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et certains pays d'Asie du Sud-Est avaient exactement les mêmes inquiétudes. En une décennie, ces inquiétudes ont disparu. »