Aucun pays qui a de l'ambition pour son peuple ne peut se passer de l'action de lobbying. Derrière les grandes décisions politiques, les gros contrats, les actions d'intermédiation multiforme, il y a toujours l'empreinte des lobbyistes. Forts de leurs carnets d'adresses, de leurs liens dans le monde de la politique et des affaires, ces acteurs de l'ombre ont pour vocation de rapprocher des belligérants, de mettre en relations d'affaires des opérateurs économiques, de faciliter les contacts avec les institutions internationales et les groupements régionaux. Il y a aussi ce profil de lobbyiste dont la mission est proche du travail des services de renseignement. Sous couvert d'actions de bons offices, il est chargé d'exfiltrer des organisations, des centres de décision pour s'informer et informer à son tour son employeur, alimenter des campagnes d'intox et de désinformation pour déstabiliser des Etats, ternir leur image de marque, saborder des négociations politiques, commerciales… Le Maroc en a fait un puissant levier de sa diplomatie et de sa propagande belliqueuse anti-algérienne. Pour ce pays qui mesure l'importance et l'influence des réseaux dans les relations internationales, l'action de lobbying est une affaire de l'Etat et de toute la société. Le roi Mohammed VI ne s'y est pas trompé en s'investissant personnellement, ciblant prioritairement, pour des raisons géopolitiques et économiques évidentes, le continent africain où il se fait inviter sans discontinuer. Comme le périple qu'il a entamé depuis hier dans trois capitales africaines. L'Algérie ne semble pas accorder une quelconque importance à l'action de lobbying, privilégiant la diplomatie officielle qui a le désavantage d'être limitée dans son action et sa portée, contrairement aux structures officieuses de médiation qui ne s'encombrent pas des carcans officiels et bureaucratiques, de la rigidité des lois, voire de la légalité institutionnelle et constitutionnelle. Ce n'est certainement pas pour leurs beaux yeux que les différents présidents français et tout récemment encore le président Hollande se font accompagner, lors de leurs visites officielles au Maroc, par les ministres franco-marocains du gouvernement. Chez nous, rien ne se fait en dehors du sceau de l'officialité qui ne suscite que suspicion et méfiance eu égard à la nature autocratique du système. A-t-on évalué les retombées de l'Année de l'Algérie en France qui a englouti des sommes faramineuses pour un résultat décevant en termes de retour sur investissement ? Des ressortissants algériens établis à l'étranger introduits dans le monde de la politique et des affaires, des institutions de leur pays d'accueil ne demandent qu'à servir leur pays d'origine : l'Algérie. Un lobbyiste algérien témoigne avoir «décroché un rendez-vous avec de hauts responsables de la Commission européenne à un chef de parti algérien qui se dit porteur d'un projet novateur démocratique pour l'Algérie. Une fois le rendez-vous confirmé et le programme établi, son téléphone était aux abonnés absents», témoigne-t-il avec amertume. «Nos hommes politiques ne sont pas libres de leurs actions», argumente-t-il. Les grandes nations tirent leur puissance de la force de leurs réseaux de lobbying, de l'état de leur économie et de leur bonne gouvernance. Il est difficile de faire la promotion d'une marchandise, même joliment emballée, si elle n'est pas portée et soutenue par un label de qualité, par un Etat respecté et respectable.