Un ancien diplomate algérien a relevé le «double jeu souterrain» auquel se livre le Maroc, depuis plusieurs années, pour nuire à l'Algérie. «Ce n'est pas le recours au lobbying qu'on peut reprocher au Maroc, mais le double jeu souterrain auquel il se livre, depuis plusieurs années, pour nuire à l'Algérie, tout en multipliant en surface les appels à l'ouverture des frontières», a relevé l'ancien ambassadeur, Hocine Meghlaoui, dans une analyse publiée mardi par le quotidien L'Expression. Il a estimé que «cette duplicité est inacceptable et ne peut que polluer le climat dans la région». En tête des préoccupations du Maroc, vient ce que ce pays appelle la «marocanité du Sahara occidental», explique l'ancien diplomate pour qui cette démarche passe par «l'implication, sans scrupules, de l'Algérie, à laquelle Rabat impute tous ses malheurs, alors qu'il en est le seul architecte depuis que les Sahraouis se sont réfugiés dans la région de Tindouf». «Tout passe dans la propagande marocaine (...) l'Algérie, Cuba et la Libye qui cherchent à déstabiliser le Maroc, un allié des Etats-Unis et à créer un Etat communiste au Sahara occidental». Selon la thèse développée par le royaume chérifien, le Maroc serait «le seul rempart crédible contre le terrorisme et l'immigration clandestine à destination de l'Europe», alors que le Front Polisario favoriserait «l'implantation d'Al-Qaida au Maghreb». L'autre préoccupation du gouvernement marocain à travers le recours au lobbying consiste à «décrire le Maroc comme un pays stable aux plans politique, économique et social, grâce à sa majesté qui répond aux désirs de son peuple», alors que l'Algérie est présentée, «bien sûr» comme «l'antithèse, l'exemple repoussoir», poursuit-il. Selon l'analyste, cette propagande vise à mobiliser l'opinion publique et, au-delà, les autorités américaines «sur la base d'idées simples», précisant qu'il s'agit là d'un travail de lobbyistes «qui savent qu'ils s'adressent à une clientèle accordant peu d'intérêt au dossier du Sahara occidental et qui a très peu de temps à lui consacrer». Le diplomate algérien cite, à ce propos, le «Maroccan American center for policy» comme «relais de la propagande marocaine aux Etats-Unis, principalement en direction du Congrès et des médias». «Il aide aussi au recrutement des lobbyistes pour faire bouger les membres du Congrès, surtout en prévision de certaines échéances comme la réunion du conseil de sécurité sur le Sahara occidental ou les négociations Front Polisario-Maroc». Le plan d'autonomie En 2007, rappelle-t-il, 168 membres du Congrès ont signé une lettre adressée à la Maison Blanche pour lui demander d'appuyer le plan d'autonomie présenté par le Maroc à l'ONU, soutenant qu'il s'agit de la «solution miracle» au problème du Sahara occidental, qu'il faudrait régler, selon la propagande marocaine, pour «empêcher Al-Qaida de s'installer au Maghreb». L'architecte de ce travail fut le cabinet Tew Cardenas de Miami, recruté pour l'occasion. Il est dirigé par des exilés cubains, «parmi lesquels le Maroc recrute, depuis des années, le noyau dur de ses lobbyistes». Le Maroc peut également compter sur le Maroccan American Trade and Investment center qui a été créé pour promouvoir le secteur privé marocain après la signature de l'accord de libre échange entre le Maroc et les Etats-Unis en 2006, qui est lui-même «le fruit du lobbying», affirme Hocine Meghlaoui. «Il peut compter aussi sur des individus recrutés grâce aux largesses dont ils bénéficient (...) et sur la diaspora juive, d'origine marocaine, qui lui sert de relais avec les lobby juifs dans le monde», selon cette analyse. Depuis 2007, Rabat a «considérablement intensifié son travail de lobbying». Ainsi, sur la base des informations rendues publiques en 2010, le Maroc vient largement en tête des pays arabes ayant des contacts pris en leur faveur par des lobbyistes, «avec 653 contacts, suivi des Emirats arabes unis (407) et l'Egypte (366)». Toujours en 2007, le Maroc a eu recours à 7 cabinets de lobbying et à d'anciens membres du Congrès à titre individuel. «Il poursuit ses efforts en faisant feu de tout bois, et on a vu récemment comment il a profité de la crise libyenne pour impliquer l'Algérie», relate l'ancien ambassadeur. Cependant, le démenti apporté par le général Carter F. Ham de l'Africom, lors de sa récente visite à Alger, «a ruiné les plans du Maroc et de ses lobbyistes aux Etats-Unis à travers lesquels il distille, depuis des années, sa propagande nocive contre l'Algérie, à coups de millions de dollars et de compromissions honteuses», conclut l'analyste.