Le référendum sur la nouvelle Constitution n'aura pas lieu cette année. C'est du moins ce qu'a annoncé, hier, à l'APS, et à demi-mot, Nourreddine Yazid Zerhouni. Le ministre de l'Intérieur, peu visible sur la scène publique ces dernières semaines, a déclaré qu'il sera difficile d'organiser la consultation référendaire avant la fin de l'année « parce qu'il y a des délais concernant la convocation du corps électoral qui doit se faire 45 jours avant ». « Cela me paraît difficile avant le 31 décembre, mais bon ! On verra bien », a-t-il ajouté. Exprimé par le premier responsable d'un département chargé de la préparation des élections, ce doute doit être pris au sérieux. Autant que ce curieux « on verra bien », repris par une agence officielle, renforçant le sentiment d'une navigation à vue. On est déjà loin des assurances officielles sur la tenue, « avant la fin de l'année », du référendum sur la Constitution, devant permettre au président Abdelaziz Bouteflika de briguer un troisième mandat, avec l'amendement de l'article 74 de la Loi fondamentale. Là, tout le monde a plongé pour assurer les Algériens de la tenue dans les temps du référendum : Amar Saâdani, président de l'APN, Abdelaziz Belkhadem, chef du gouvernement et secrétaire général du FLN ainsi que d'autres responsables. Mardi 31 octobre, à la Radio nationale, Abdelaziz Belkhadem, qui marquait là un retour dans la sphère publique après deux mois d'effacement, a suggéré que l'organisation du référendum connaisse « un léger report » en raison de l'agenda chargé du chef de l'Etat. La présidence de la République organise depuis début septembre des auditions de ministres. Auditions qualifiées de « prioritaires » par le chef du gouvernement et qui semblent motiver la bousculade de l'agenda. Nourredine Zerhouni a, en quelque sorte, expliqué mieux l'argumentaire de Abdelaziz Belkhadem. C'est simple : pour que le référendum se tienne avant le 31 décembre 2006, le président de la République est tenu de convoquer le corps électoral avant le 15 novembre courant, soit 45 jours avant le scrutin. Le ministre de l'Intérieur a ajouté un élément au trouble actuel. Il s'agit, selon lui, de situer la date du référendum « compte tenu des échéances des législatives et des locales ». L'année prochaine sera celle de l'organisation des élections législatives, avant la fin juin, et les élections locales, avant la fin novembre. Comment « placer » le référendum entre ces deux échéances qui, elles, sont incontournables, voire obligatoires pour la bonne conduite des institutions ? Et puis, n'y a-t-il pas risque de trop encombrer les électeurs en les convoquant à trois reprises en une année ? Certains parmi l'entourage du président de la République rappellent que Abdelaziz Bouteflika, lors du discours du 4 juillet 2006 prononcé devant les officiers supérieurs de l'armée, n'a pas annoncé une décision mais un souhait. « Nous souhaitons que le référendum sur l'amendement de la Constitution soit organisé, avec la volonté de Dieu, avant la fin de l'année », a-t-il dit. Cela, pour la forme. Pour le fond, il semble bien que la révision constitutionnelle, porteuse d'un renforcement, presque hors normes, du pouvoir présidentiel, n'est plus cet appétissant plat chaud que tout le monde a voulu goûter à la même table où a été consommée la Charte pour la paix et la réconciliation dont les résultats sont décevants. Le FLN, qui a fait un tapage sans commune mesure sur la révision de la Constitution, s'entoure d'un silence prudent. Autant que les autres « composants » de l'Alliance présidentielle que sont le MSP et le RND. Le parti d'Ahmed Ouyahia souffle le chaud et le froid. L'ex-chef du gouvernement, qui a été « remercié » dans des conditions non encore expliquées à l'opinion nationale, a clairement déclaré, dernièrement, qu'il n'était pas favorable à « un régime présidentiel » mais à un système « semi-présidentiel ». Il touchait là l'âme du projet de révision de la Loi fondamentale. Ce projet, dont la véritable et complète teneur est inconnue, vise à sauter la limitation des mandats présidentiels, à l'image de la dictature tunisienne. Cette suppression paraît souffrir d'un manque de consensus au sein des cercles de la décision parce qu'elle marque une régression évidente dans le pays et rompt avec l'évolution du monde actuel. Aussi, est-il légitime de s'interroger si dans l'affaire de « l'agenda bousculé », on n'est pas devant l'image du train qui cache un autre ? La chute manifeste de la fréquence des activités du président de la République et son absence prolongée durant l'été alimentent toutes les supputations qu'aucun officiel n'arrive à contenir. Le flottement politique, qui dure depuis des semaines, renforce le doute que quelque chose ne tourne pas rond dans le Palais d'Alger. L'opacité totale qui caractérise le système politique algérien ajoute à ce tableau des touches sombres. Autant que cette brusque et étrange recrudescence des actes de violence dans le centre du pays.