Dans ce système qui nous gouverne, le recours à l'âge est souvent usité pour l'accès à des postes de décision. Ce procédé, qui n'a rien de démocratique, est bien commode pour faire taire les contestations et sortir des impasses. Ce fut le cas d'Ould Abbès, officiellement désigné comme successeur à Amar Saadani à la tête du FLN au motif qu'il est le plus vieux des cadres dirigeants du parti. Cela suffisait, aux yeux de ces derniers, pour dépasser les traumatismes créés par les troubles incessants qui agitent leur parti. Mais la promotion d'Ould Abbès n'aurait pas été possible si son nom n'avait pas été soufflé du palais d'El Mouradia. Tous les dirigeants du parti, quels que furent leurs penchants, se sont pliés à cette volonté venue d'en haut. Le cas le plus emblématique du recours à l'ancienneté a été la désignation du défunt président Chadli Bendjedid à la succession de Boumediène. Sa promotion par les militaires, il l'avait due à son ancienneté au grade de colonel, critère qui a permis d'éviter au pays une guerre de succession mais qui n'a pas été un gage de réussite : Chadli Bendjedid ne put comprendre la nécessité de réformer politiquement et économiquement le pays qu'après le bain de sang d'Octobre 1988. Alors, qu'en est-il d'Ould Abbès ? Bien qu'il soit largement octogénaire, le nouveau patron du FLN compte rester jusqu'en 2020 et même plus à la tête du FLN. Exit la loi de la biologie qui raréfie les neurones, adieu à ce sacro-saint principe du rajeunissement des cadres tant chanté par la propagande officielle. Ould Abbès aurait été mieux inspiré s'il avait annoncé qu'il n'était qu'intérimaire et de passage et que sa mission, au crépuscule de sa carrière, ne «pouvait être que la promotion de jeunes militants aux postes de décision». Mais son ambition est tout autre. D'abord une revanche personnelle : rejoindre le petit groupe de décideurs, après l'humiliation de son éviction du gouvernement et sa traversée du désert. Ensuite, et c'est certainement sa mission première, servir Bouteflika mieux que tous ses prédécesseurs et lui renvoyer l'ascenseur. Malgré tout, le chef de l'Etat l'a récupéré au Sénat dans le tiers présidentiel et a pensé à lui en lui offrant un cadeau insoupçonné, les rênes du FLN, ce parti emblématique de la Révolution algérienne qui a fait plier le colonisateur français et qui, bien que dévoyé depuis 1962, est resté gravé dans la mémoire collective du peuple algérien. Ould Abbès devra déployer le maximum de zèle et faire mieux que tous les secrétaires généraux antérieurs. Belkhadem avait fini par «dévoyer» sa fidélité au président de la République par «l'excès» d'initiatives politiques, quelquefois même en direction d'opposants, tandis que Amar Saadani, personnage névrotique, ne sachant nullement fédérer les courants, a carrément fait imploser le FLN. Pour le pouvoir, l'intolérable a été atteint, à quelques mois des législatives qui devraient confirmer «le leadership» du FLN sur la scène politique et continuer à être son fer de lance, notamment en cette période difficile de crise économique et sociale qui met à rude épreuve les autorités. 2017 et 2018 seront porteuses de périls, et 2019 sera l'année de la présidentielle dont personne ne peut dire aujourd'hui si Bouteflika ne sollicitera pas un cinquième mandat. Si la biologie le permet bien entendu. On ne sait comment agira Ould Abbès, mais ni sa personnalité ni son parcours politique ne plaident positivement pour lui, d'autant que le FLN est devenu un véritable panier de crabes, ingérable et imprévisible. Alors, la prochaine crise, ce n'est qu'une question de timing ?