Parmi ces derniers, le sociologue Kamel Chachoua qui exerce à l'Institut de recherches sur le monde arabe et musulman au niveau du CNRS en France et au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) à Alger. Rencontré sur les lieux de cette manifestation, il nous a livré ses impressions sur ce salon, le champ éditorial national, la qualité de l'offre, les prix pratiqués, entre autres. Ainsi, il est relevé « l'absence de grandes éditions », à l'exemple des éditions espagnoles, italiennes, anglaises et asiatiques, lesquelles « ont pourtant beaucoup publié et travaillé sur le monde musulman ». En parallèle, il y a des éditions étrangères qui n'ont présenté que des « œuvres d'auteurs algériens ou traitant de l'Algérie ». Or, les lecteurs algériens ont « le droit et le devoir de découvrir et d'accéder au champ éditorial international ». Côté algérien, les éditions « n'ont pas présenté beaucoup de nouveautés. Les sept premières éditions nationales algériennes que j'ai supervisées n'ont publié que 60 titres, ce qui est peu concernant la quantité. En plus, la plupart traitent du nationalisme ou de ce qui touche à ce sujet, à l'exemple des témoignages et des figures emblématiques de la Révolution. Ce ne sont pas des œuvres de recherche en la matière ni des livres sur le colonialisme mais sur la guerre. Cela prouve que les éditions algériennes sont coupées de la recherche. Le CNRPAH a publié et exposé des recherches à cette occasion. » Volet traductions, les éditions algériennes, constate Kamel Chachoua, « s'intéressent à ce qui est publié en France ». Ce qui fait que le champ éditorial national est « arraisonné » par le champ éditorial français. Certes, la traduction est « nécessaire », mais « on ne peut faire éloge de toutes les traductions ». L'Algérie devient alors un pays d'« intraduction ». Comme on « n'exporte pas des traductions ». Quant aux traductions faites par des maisons éditoriales orientales « si on prend des œuvres de penseurs tels que Jacques Derrida, Deleuze, Foucault, Bourdieu, Heidegger, entre autres, leur traduction laisse à désirer. Elle est commerciale ». Les éditions algériennes et orientales font de la traduction pour « enrichir leur catalogue, impressionner le public ». Il s'agit d'« une impression d'impression ». Une situation qui traduit des rapports de « force » entre les éditions des « dominants » et celles des « dominés ». A comparer avec un salon d'automobiles, à titre d'exemple, explique le même interlocuteur, « on s'y sent exclu car on ne produit pas de voitures. Ce qui fait qu'on ne peut pas participer à ce genre de salons. Notre situation est visible et nous en sommes conscients. Le drame dans ce qui touche à la culture est que nous en sommes exclus sans le savoir. Nous subissons cette situation sans le savoir et sans le sentir parce que nous y participons ». Cela relève d'« une domination invisible et plus dangereuse. Et l'invisible est dangereux pour la culture dans ce cas de figure ». Ce n'est pas parce que « nous avons des éditeurs, des auteurs et des lecteurs pour pouvoir prétendre que nous avons un champ éditorial national capable de répondre à la demande scientifique et culturelle nationale ». Concernant les prix des livres, il les voit « chers ». Quant à la qualité, il est constaté « des rééditions ». Les maisons d'éditions orientales « ont fourni des efforts côté publication des études de recherches. Mais les prix sont inabordables. Sont exposés aussi des manuels scolaires français, on se demande à quelle catégorie sociale ils sont destinés ». Au sujet des éditions nationales, des « efforts sont consentis pour améliorer la qualité et la quantité des publications. Il y a de petites éditions qui font de bonnes choses. Elles n'ont pas beaucoup de moyens pour faire mieux ».