Une journée d'étude ayant pour thème «La singularité et l'universalité de l'œuvre katébienne» a été organisée, dimanche dernier à Tizi Ouzou, par la direction locale de la culture et la faculté des lettres et des langues de l'université Mouloud Mammeri. Intervenant à l'occasion du soixantenaire de Nedjma, la rencontre a été mise à profit pour rappeler la grandeur de ce chef-d'œuvre édité en 1956 et les autres ouvrages du défunt auteur. «Kateb Yacine s'est illustré dans tous les genres, mais son écriture de prédilection est la poésie. Il avait une plume majestueuse et une œuvre noble. Il était penseur et fervent défenseur de tamazight. Plusieurs mémoires ont été consacrés à ses œuvres et ses livres sont toujours lus et demandés. De nombreux écrivains algériens lui ont rendu hommage pour son talent et son engagement, parmi lesquels Fadhma Aït Mansour Amrouche, Mouloud Feraoun, Rachid Mimouni, Mouloud Mammeri et Tahar Djaout», a souligné Mme Gada Nadia, enseignante au département d'anglais de l'université Mouloud Mammeri. Mme Fatima Boukhelou, enseignante de français à la faculté des lettres et des langues de Tizi Ouzou, a axé son intervention sur Nedjma ou l'histoire en actes. Elle a déclaré : «Nedjma est une œuvre monumentale. C'est un roman d'une singularité extraordinaire et d'une universalité avérée. Ce qui m'a frappé dans ce livre époustouflant, conçu après le 8 Mai 1945, c'est la manière d'écrire. Il y a abord ces événements qu'il a vécus dans sa chair alors qu'il était encore lycéen. Il les a relatés, mis en scène. Il a pu suivre à la trace le présent, revenir pas à pas sur le passé. Nedjma est un récit qui avait pour ambition d'inverser l'ordre colonial. C'est une immense œuvre romanesque, un recueil de témoignages. Le rebelle Kateb Yacine usait de tous les subterfuges pour arriver à ses fins. Il a fait de son roman un démenti du présent colonial.» Mahmoudi Hakim (enseignant au département de français) a évoqué dans son exposé la carnavalesque dans La poudre d'intelligence. «Cette œuvre écrite en 1959 est une pièce satirique. La culture folklorique était fortement présente dans cette satire. La carnavalisation de la culture était un refuge pour Kateb Yacine, une opposition à la culture de consommation et officielle». L'universitaire Aït Chaallal Salah (département de français de Tizi Ouzou) s'est intéressé à «l'hybridité» pour construire le discours mixophobe dans Nedjma de Kateb. «Pour Kateb, la pureté de la race n'existe pas. C'est une invention des colonialistes et des racistes». Nadia Tidmimt (enseignante de français) a décortiqué le théâtre katébeen. L'écrivain Rabah Zamoum a témoigné, pour sa part, de l'engagement de l'auteur de Nedjma. «Kateb Yacine était honni et boycotté par le pouvoir en place. Il avait toujours critiqué le système militaire de l'époque qui a, selon lui, tourné le dos au socialisme. Il se sentait menacé, d'où son départ en France (…) Il disait : j'écris en français pour dire aux Français que je ne suis pas Français. Pour lui, le théâtre était la méthode la plus aboutie pour parler de la société. La grande force, disait-il, est le peuple avec lequel il faut avancer. Kateb répétait que le théâtre ne signifie pas de grosses infrastructures. Pour lui rester fidèle, le meilleur hommage qu'on puisse lui rendre est de redoubler de férocité», conclut le conférencier. Dans son allocution, la directrice de la culture, Nabila Gouméziane, a qualifié le défunt écrivain d'«icône de la littérature algérienne qui a produit une œuvre d'une richesse remarquable devenue aujourd'hui un repère incontournable». Elle a ajouté : «Son œuvre dans sa diversité littéraire et artistique est à la fois singulière et universelle. Elle s'est en fait imposée comme une production fondatrice de la littérature algérienne moderne.» Cet hommage a été clôturé par la représentation théâtrale, la Poudre d'intelligence, de Kateb Yacine, présentée par la troupe des étudiants, la nova du département de français de l'université Mouloud Mammeri.