L'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) a «condamné l'Etat marocain qui foule aux pieds la dignité des citoyens» et «maintient la région rebelle d'Al Hoceïma dans un état de tension». La colère est toujours vive au Maroc cinq jours après la mort atroce de Mohcine Fikri, un vendeur de poissons, à Al Hoceïma, une ville du Rif réputée frondeuse. Le jeune Mohcine a été broyé par la benne d'un camion-poubelle alors qu'il tentait, dans un geste de désespoir, de récupérer le stock d'espadons que venaient de lui confisquer des officiers de police. La contestation a gagné hier certaines villes dont Casablanca, Marrakech et Rabat, où des citoyens indignés par les circonstances effroyables de la mort tragique de leur concitoyen sont descendus dans la rue pour réclamer justice et réparation. La veille, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté encore à Al Hoceïma et scandé des slogans en rifain contre la corruption et la prévarication. Des manifestants ont choisi aussi de défiler avec des bougies pour rendre hommage à la mémoire de Mohcine Fikri. Le comité d'organisation de la manifestation a appelé à une «enquête transparente» concernant l'affaire Mohcine et aussi à ce que «tous les responsables de sa mort soient punis». Dans un communiqué publié dimanche, l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) a «condamné l'Etat marocain qui foule aux pieds la dignité des citoyens» et «maintient la région rebelle d'Al Hoceïma dans un état de tension». L'ONU préoccupée Se montrant inquiet de la tournure prise par les événements, le porte-parole de Ban Ki-moon, Stéphane Dujarric, a indiqué mardi au cours de son point de presse quotidien que l'ONU suit la situation au Maroc de près. «Nous surveillons évidemment la situation», a-t-il dit. Les inquiétudes de l'ONU s'expliquent par le fait que les manifestations survenues dans tout le pays pour dénoncer la hogra, la violation des droits de l'homme et l'arbitraire ont lieu à une semaine de l'ouverture, à Marrakech, de la Conférence sur le climat, la COP22, à laquelle doit assister le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Cela met d'ailleurs sous pression les autorités marocaines qui tentent d'éteindre le feu qui couve dans le pays. Tout le gouvernement marocain est en état d'alerte maximum. L'affaire Mohcine Fikri a bouleversé l'agenda du roi et du gouvernement dont les membres ont reçu pour consigne de ne pas souffler sur les braises et de tout tenter pour calmer la population en colère. Les Nations unies ne sont pas les seules à suivre le développement des événements. Craignant une explosion générale qui risque d'emporter le trône, de nombreuses capitales occidentales sont aussi très attentives à l'évolution de la situation dans le Rif et dans les autres villes marocaines où le ras-le-bol et la pauvreté ont atteint d'importantes proportions. Depuis la mort du jeune homme, les mobilisations se sont multipliées à travers tout le Maroc. Dimanche, des milliers de personnes ont parcouru à pied les 18 km séparant Al Hoceïma d'Imzouren pour assister à ses funérailles. La colère de la population vise la malvie et la hogra (l'injustice, les abus de pouvoir et l'arbitraire) subis au quotidien par les citoyens face au pouvoir marocain. Sentant son trône vaciller et de crainte d'avoir affaire un scenario à la tunisienne, le roi Mohammed VI a ordonné l'ouverture d'une enquête et l'arrestation des coupables de la mort de Mohcine Fikri. Jusque-là, onze personnes soupçonnées «d'homicide involontaire» ont été présentées à un juge d'instruction au Maroc. Ces arrestations n'ont cependant pas réussi à calmer l'ire de l'opinion marocaine.