Une vingtaine d'écrivains sont invités à parler de leurs premiers romans aux 8es Rencontres euromaghrébines des écrivains qui se déroulent depuis mercredi à la salle El Djazaïr au Palais des expositions des Pins maritimes, à la faveur du 21e Salon international du livre d'Alger (Sila). Organisées par la Délégation de l'Union européenne en Algérie, les Rencontres ont été divisées en trois panels : «Sauter le pas, comment j'ai décidé d'écrire», «Les influences : indispensables critiques» et «Premier roman, écritures ultérieures, publication». «Le premier roman n'est parfois pas publié, sinon édité plus tard. Il y a toute une problématique liée à cela», a relevé Dirk Buda, chef de section politique et presse de la délégation de l'UE à Alger. Animé par notre confrère Ameziane Ferhani, le premier panel a regroupé les Algériens Faiza Mostapha et Hocine Boumerdès, la Marocaine Aïcha Basry, l'Italienne Elisabetta Rasy et le Roumain Bogdan Munteanu. Aïcha Basry est passée de la poésie au roman. «Certains pensent que l'âge de la poésie est terminé en soulignant le fait que beaucoup de poètes passent à l'écriture romanesque. Pour moi, ce passage ne répond à aucune tactique ni à aucune une mode. C'était un moment particulier et sensible de ma vie. J'avais besoin d'un espace plus large pour dire des choses. Je suis sortie d'un coma pour faire un témoignage sur la vie. Le roman permet d'aller vers un public large. Cela ne veut aucunement dire que j'ai abandonné la poésie», a-t-elle dit. Aïcha Bassry a publié, depuis 2001, plusieurs recueils de poèmes, dont L'Insomnie des anges et Baigneuses de soif. Elle a écrit des romans, dont le plus connu est Les Nuits de soie. «Les poètes femmes arabes se cachent derrière les mots, les vers et l'humeur pour éviter de dire certaines vérités. Le roman lui-même est fait d'un ensemble de masques. Nous mettons ces masques pour dire des choses, surtout sur la situation de la femme dans le Monde arabe. Je suis poète et je le reste», a-t-elle insisté. Le plaisir de se réinventer L'Italienne Elisabetta Rasy est arrivée au roman quelque peu tardivement. Elle a commencé l'écriture dans les années 1970, sur l'architecture et sur la femme en littérature. Diplômée en histoire de l'art de l'université de Rome, elle a contribué à la création d'une revue sur la narration contemporaine. Elle intervient régulièrement dans les médias, comme le quotidien Sole 24 ore. «Mon premier roman n'était pas ma première expérience d'écriture. Ce roman n'avait aucun rapport entre l'histoire de l'art ou le journalisme. C'est dire qu'il y avait quelque chose qui me manquait dans ces deux formes d'écriture. J'ai mis beaucoup de temps à sauter le pas. Mais, je n'avais pas l'impression de plonger dans les eaux dangereuses. Cette sensation de manque qui m'a mis sur un chemin qui est ni facile ni difficile», a soutenu Elisabetta Rasy. Jeune, l'Algérien Hocine Boumerdas écrivait des textes qu'il ne terminait jamais. «Après l'obtention du baccalauréat, j'ai abandonné mon projet d'écriture. Retrouvant ma liberté après la retraite, j'ai repris l'écriture. J'ai gardé en tête le sujet du roman pendant une vingtaine d'années. Des faits que j'ai pratiquement vécus. C'était un témoignage ou une dette que je devais à ma grand-mère qui a beaucoup souffert pendant la guerre de libération. J'ai vécu quelque peu ses souffrances», a-t-il confié. Natif de Constantine, Hocine Boumerdès a enseigné au lycée dans les années 1990. Son roman Vent de face a été publié, en 2014, aux éditions Dalimen à Alger. Faiza Mostapha, qui vit à Paris où elle travaille à Radio Monte Carlo Doualiya, vient de publier aux éditions Fairouz El Berrani (l'étranger), un recueil de nouvelles. Le livre contient le texte d'un monodrame, Moudoun el cartoun (les villes en carton). «J'ai débuté par la publication d'un recueil de nouvelles, Azarq jareh (bleu blessant). Je n'étais pas totalement satisfaite mais on dit que le premier travail littéraire est également un premier amour. Pour El Berrani, j'évoque dans ce recueil cet Algérien qui n'a pas trouvé de place dans son propre pays et qui est traversé par de drôles de sentiments, comme ceux de quelqu'un vivant loin de sa maison. Il se sent étranger à cause de ses idées et de ses convictions. Et nous le constatons clairement ces dernières années en Algérie. Beaucoup de personnes sont harcelées en raison de leurs positions ou de leur appartenance politique», a souligné Faiza Mostapha. La Belge Aiko Solovkine a écrit son premier roman, Rodéo, la nuit. Une histoire inspirée d'un fait réel. «Avant de devenir journaliste, j'écrivais déjà. Je n'ai pas le souvenir qu'il y avait eu un déclic. Je lisais énormément et j'avais ce plaisir d'écrire des textes depuis ma première jeunesse», a-t-elle dit. Aiko Solovkine est un nom d'auteur. «J'ai choisi ce nom pour le plaisir de me réinventer. Mon prénom et mon nom ne sont pas rattachés à quelque chose d'aimé. Donc pour moi, l'écriture est une façon de me faire naître. Je lis essentiellement des littératures traduites, notamment des œuvres américaine et anglo-saxonnes», a-t-elle souligné. Aiko Solovkine prépare un roman sur un drame familial. D'autres intervenants ont pris la parole lors des Rencontres, dont le Polonais Stanislaw Strasburger, la Suédoise Anne Sward, le Tunisien Jamel Jlassi, le Britannique Islam Issa, la Française Lise Chasteloux, l'Italienne Michela Murgia et le Roumain Bogdan Munteanu.