Le projet de loi sur les technologies de l'information de communication (TIC), annoncé récemment par Imane Houda Feraoun, ministre de la Poste et des TIC, ne semble pas faire l'unanimité auprès de la Fédération nationale des travailleurs de la poste et des TIC, affiliée à l'UGTA. Le principal reproche fait à la ministre est que ce projet a été élaboré «sans la participation du partenaire social». Mais au-delà de ce manque de dialogue, les syndicalistes n'acceptent pas une des dispositions : le dégroupage, une technique qui permet à un opérateur d'utiliser les infrastructures d'Algérie Télécom pour fournir des services à valeur ajoutée. Pourtant, les experts sont d'accord pour dire que le dégroupage est l'instrument par excellence du développement d'internet. Il permet l'ouverture du réseau téléphonique local à la concurrence. D'après Imane Houda Feraoun, le projet de code des postes et télécommunications va instituer la concurrence pour le service de l'internet fixe à travers l'ouverture d'un réseau local pour les opérateurs privés. L'objectif est de faire chuter les tarifs et promouvoir ainsi l'accès d'un plus grand nombre au numérique. Avec l'évolution des technologies et l'expérience accumulée par les opérateurs au niveau mondial, le coût du dégroupage a connu par ailleurs une diminution continue, ce qui a permis l'apparition d'offres toujours plus compétitives. En résumé, du point de vue de l'internaute, le fait d'être raccordé à un central dégroupé signifie simplement qu'il aura le choix entre plusieurs prestataires pour son accès à internet, voire (en cas de dégroupage total) qu'il pourra renoncer entièrement à son abonnement téléphonique facturé par Algérie Télécom pour dépendre d'un fournisseur alternatif. Mais les syndicalistes considèrent le dégroupage comme «un danger pour l'opérateur Algérie Télécom, qui sera concurrencé sur son propre réseau et ses propres infrastructures». En réalité, les syndicalistes craignent un début de privatisation. «Ce projet de dégroupage va non seulement offrir sur un plateau d'argent le réseau fixe refait entièrement sur fonds propres d'Algérie Télécom, mais va également permettre à d'autres opérateurs d'internet d'utiliser les infrastructures réalisées par Algérie Télécom», commente Mohamed Tchoulak, secrétaire général de la Fédération. Mais une question se pose avec acuité : l'Algérie peut-elle continuer à fonctionner avec la loi 2000-03 du 5 août 2000 fixant les règles générales relatives à la toste et aux télécommunications ? Ce n'est pas la première fois que ce projet de loi suscite la discorde. A chaque fois il est soit retiré par calcul politique ou carrément relégué aux calendes grecques pour calmer le mécontentement du «partenaire social». En 2013, le gouvernement l'avait retiré de l'APN du temps du ministre Moussa Benhamadi. La ministre qui lui a succédé, Zohra Derdouri, n'avait pas réussi à faire passer une loi dans ce sens, mais elle avait déclaré à l'époque : «S'il faut introduire un nouveau concurrent de téléphonie fixe qui va booster et obliger Algérie Télécom à améliorer ses services, on pourrait envisager cette option.» La dernière sortie médiatique de la fédération est-elle une manière de mettre dans la gêne et l'embarras la ministre de la Poste et des TIC, ou une réelle volonté de booster le secteur ? Les observateurs soulignent en tout cas que les TIC ne peuvent plus évoluer dans notre pays avec une loi datant de 2000.