Alors que les Français s'apprêtent à commémorer le premier anniversaire des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, Le philosophe Abdenour Bidar, président de l'association Fraternité générale, a lancé un appel à la mobilisation pour «aller au-devant des autres, se parler, débattre, organiser des concerts et des repas» pour «réparer la France». L'idée de cet appel est de «faire tomber les distances sociales et culturelles» entre les «différentes identités, milieux socioculturels et communautés», avec pour objectif d' «inscrire la fraternité dans la durée». Plusieurs actions culturelles, pédagogiques et citoyennes ont été prévues jusqu'à aujourd'hui, 10 novembre, à travers la France, auxquelles ont décidé de prendre part plusieurs associations culturelles, sportives, etc. Dans un texte publié après les attentats du 13 novembre 2015 dans plusieurs quotidiens de toute l'Europe, Abdenour Bidar interpellait les musulmans pour leur dire : «Il ne suffit plus de dire ‘ne faisons pas l'amalgame entre islam et islamisme'. Comme je l'ai écrit dans ma ‘Lettre ouverte au monde musulman', les musulmans du monde entier doivent passer du réflexe d'autodéfense à la responsabilité de l'autocritique.» "Car… ce n'est pas seulement le terrorisme djihadiste qui nous envoie de mauvais signaux en provenance de cette civilisation et culture musulmane, mais l'état général de celle-ci. Voilà en effet une culture toute entière qui est menacée par la régression vers l'obscurantisme, le dogmatisme, le néo-conservatisme, le rigorisme incapable de s'adapter au présent et aux différents contextes de société… et qui, c'est le comble, parle parfois de liberté de conscience pour réclamer le droit de donner libre cours à sa radicalité, ou pour faire valoir publiquement ses ‘principes éternels', sa ‘loi divine intangible et indiscutable', comme si quelque chose pouvait et devait échapper aussi bien à la marche de l'histoire et à la volonté des hommes !". Et d'appeler à «sortir enfin des guerres de religion, sortir enfin du conflit immémorial entre les formes du sacré, pour aller ensemble vers un sacré partageable entre toutes les cultures, toutes les civilisations». Aussi, «en vue de cet objectif élevé d'un sacré partageable qui soit un juge de paix nous évitant de nous battre, je demande solennellement aux musulmanes et aux musulmans européens de ne pas rester de côté, de ne pas céder à la tentation de se replier sur eux-mêmes dans la défense exclusive de leurs intérêts propres. Qu'ils répondent à la suspicion par l'ouverture. Qu'ils répondent au rejet par la contribution. Qu'ils répondent au mal par le bien, comme le conseille le Coran (41, 34). Qu'ils regagnent le respect et la considération de tous en s'associant intellectuellement et humainement, partout où c'est possible et par leur engagement social et politique de tous les jours, à tous ceux qui refusent un monde égoïste où l'on vit séparés en communautés et en tribus, et où l'homme est un loup pour l'homme. Qu'ils regagnent l'estime générale en unissant leurs efforts à tous ceux aussi -c'est capital à mes yeux- qui refusent aussi bien un monde matérialiste, sans spiritualité, qu'un univers où telle religion domine tout sans laisser à chacun sa liberté de conscience et en fermant les portes extérieures pour créer une communauté close» ... «Si nous persistons à vivre en régime de ‘déliaison du monde', où la qualité de ce triple lien à soi, à autrui, à la nature, reste si mauvais, alors le néant, le nihilisme, de Daech viendront comme un poison s'infiltrer dans toutes nos brèches, dans toutes les blessures de nos liens. Travaillons à nous relier, resserrons nos liens, tous nos liens de sens et de fraternité, et Daech n'aura pas pour nous diviser le passage d'une seule petite faille. Retissons les liens de fraternité avec nous-mêmes, avec les autres, avec la nature et l'univers. Respiritualisons le monde et nous aurons une chance de le guérir de ses souffrances.» Abdenour Bidar est chargé de mission à l'éducation nationale et est l'auteur de plusieurs ouvrages dont L'islam sans soumission (Albin Michel), Plaidoyer pour la fraternité (Albin Michel), publiés après les attentats de janvier 2015, et Lettre ouverte au monde musulman (Les Liens qui Libèrent).