Le débat sur le projet de loi de finances pour 2007 a été expédié comme une cause entendue. Les orientations fondamentales du gouvernement sont passées sans à-coups, mais surtout le renoncement des députés à l'affectation de toutes les ressources de l'Etat est définitivement consacré par cette législature finissante. Retour sur l'évolution d'un budget bis. L'Etat dépensera plus, lèvera moins d'impôts ordinaires, et surtout gaspillera des ressources comme jamais », c'est de la sorte qu'a résumé un directeur de l'équipement de wilaya de l'ouest du pays l'évolution des finances publiques que consacre l'adoption, la semaine dernière, du projet de loi de finances pour 2007 par l'Assemblée nationale. En effet, le budget de l'Etat pour 2007 (3623,8 milliards de dinars) est le plus dépensier de l'histoire de la République. Dans le même temps, les recettes de la fiscalité non pétrolières participeront, par le jeu de mesures de détente, un peu moins en 2007 dans le financement de la dépense publique, le tout avec l'aveu « fair-play » du ministre des Finances que l'Exécutif navigue à vue dans l'orientation des investissements publics, faute de « moyens d'évaluation » de l'efficacité de ses engagements financiers précédents. Cette évolution est peu banale. « Entre le budget de 2003 et celui de 2007 la progression des dépenses publiques est tout simplement de 203%, relève un ancien directeur au ministère des Finances. Les enjeux économiques ont changé d'échelle et le mode opératoire des délibérations entre le gouvernement et les élus est encore celui des années d'urgence où l'on décidait surtout de la répartition de la rareté des ressources. » Tous les ans ; depuis 2002, des députés de l'opposition, mais autant de la majorité présidentielle, menacent de bloquer le budget de l'Etat si une loi de règlement budgétaire de l'exercice précédent ne leur est pas présentée auparavant, et tous les ans de nouvelles dépenses sont votées sans évaluation du sort des dépenses précédentes. La sous-évaluation a fabriqué un budget bis La cause paraît donc entendue pour cette législature. Le scénario du baril à 19 dollars permettant de financer un fonds de régulation des recettes (FRR) institué en 2000 aura dominé l'architecture des finances publiques sur la période. Le résultat est chavirant. Au moment de voter le budget pour 2007, les députés cautionnaient, de fait, un budget parallèle, le FRR, de 2924 milliards de DA, quasi équivalent au vrai budget, et promis à enfler encore par le mécanisme de la sous-évaluation des recettes de la fiscalité pétrolière. Mourad Medelci a tenté de réduire le malaise dans l'hémicycle en affirmant que le FRR allait servir à financer le déficit budgétaire prévisionnel de 1821 milliards de dinars, mais qu'en aucun cas il ne descendrait sous le plancher des 740 milliards de dinars. Le fait est que la législature de cette Assemblée nationale a consacré la naissance d'une « caisse noire » de l'Etat, l'usage de ressources budgétaires colossales échappant désormais à la délibération, constitutionnellement garantie, de l'instance législative. Là aussi la majorité des députés ont facilement renoncé à leurs prérogatives. Le simple alignement du prix de référence du baril de pétrole sur un ordre plus réaliste – l'Exécutif travaille en fait sur un scénario de 49 dollars le baril - aurait « récupéré » plus de 1000 milliards de dinars par année depuis 2004, aux recettes budgétaires proposées à la répartition pour les élus du peuple. L'utilisation du FRR, qui a atteint 4009 milliards de dinars entre 2001 et 2006, a, selon le gouvernement, servi à rembourser la dette publique interne (avances du Trésor), ce qui, comme l'observe à la fois le FMI et la note de conjoncture de l'ambassade de France à Alger, a contribué à maintenir un niveau d'inflation faible en dépit de l'emballement des dépenses publiques sur la période. Toutefois, cet usage – tout le monde l'admet - n'est ni transparent ni exclusif des autres usages faits de cette manne extraordinaire dont dispose l'Exécutif loin de tout contrôle du Parlement. « Quoi qu'il arrive cette Assemblée nationale restera dans l'histoire comme celle qui a accepté de ne traiter que de la moitié des ressources de l'Etat cédant l'autre moitié au fait du prince », conclut l'ancien cadre des finances. Des mesures d'aide au petit privé : trop tard, pas assez ? Les mesures législatives de la loi de finances pour 2007 sont plus édifiantes sur la conjoncture que le détail du budget d'équipement ou la progression du budget de fonctionnement enfin concédée à la forte pression sociale des fonctionnaires durant l'année écoulée. L'activité du secteur privé est tombée dans un ressac en 2006. La loi de finances pour 2007 s'en est préoccupée. Le mouvement baissier de la pression fiscale se poursuit avec le souci d'encourager l'embauche avec des avantages fiscaux en matière d'IRG et d'IBS au profit des entreprises qui créent de l'emploi et le maintiennent trois ans. « Les mesures incitatives avec la mise en place d'un taux forfaitaire unique d'impôts pour les petits contribuables poussent à l'intégration du secteur informel et à l'amélioration de la marge concurrentielle des petites entreprises qui subissent de plus en plus la concurrence des marchandises importées », explique un élu du FLN. Pour le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Benalia Belhouadjeb, « c'est un encouragement fort qui comporte un allégement d'impôts entre 6 et 12% pour les petits commerçants et artisans ». Trop peu, trop tard ? Le représentant d'une organisation patronale a traité à la radio nationale de « mesurettes » ces « facilités » loin du compte face à l'agression des produits importés souvent « en sous-déclaration ». C'est aussi l'avis de notre ancien cadre du ministère des Finances : « La conjoncture financière étant exceptionnelle, grâce à la fiscalité pétrolière, l'occasion est unique de réformer en profondeur la fiscalité des entreprises en aménageant un seuil plus bas d'entrée dans le circuit fiscal de sorte à faire changer radicalement la taille du fichier des contribuables. L'Etat peut se permettre de renoncer jusqu'à 500 milliards de dinars de recettes fiscales pendant deux ou trois ans pour en récupérer deux fois plus à partir de la cinquième année. »