Acculé par une crise financière sans précédent, l'Exécutif veut convaincre que l'Afrique est la terre promise pour les entreprises algériennes. Le Forum africain d'investissement et d'affaires s'ouvre aujourd'hui à Alger. Il marque une volonté naissante chez l'Exécutif d'aller explorer l'énorme potentiel du continent noir. Après des années d'obstacles et d'interdictions rituelles, l'Etat se montre conciliant, voire disposé à lever le pied sur certaines dispositions administratives et bancaires qui se dressaient jusqu'ici en barricades sur le chemin de l'exportation. Symbole de cet éveil presque en sursaut du gouvernement, la Banque d'Algérie fait sauter certains verrous réglementaires pour permettre aux entreprises algériennes d'exporter et de s'internationaliser vers l'Afrique. Acculé par une crise financière sans précédent, entraînant un important rétrécissement des recettes du pays en devises, l'Exécutif veut convaincre que l'Afrique est la terre promise pour les entreprises algériennes. Dit autrement, les entreprises algériennes endossent désormais la lourde mission de quêter d'autres sources de devises pour se substituer aux recettes pétrolières qui ont amorcé une tendance baissière pour le moins préjudiciable. Durant les années du pétrole cher, les gouvernements qui se sont succédé à la manœuvre nourrissaient un parfait sentiment de bien-être tant les importations étaient encore budgétairement soutenables. Résultats : 10 exportateurs sur les 700 recensés officiellement dans les listings institutionnels font 97% du chiffre d'affaires à l'exportation. Des opérateurs qui ont osé braver l'interdit se sont fait remonter les bretelles pour une journée de retard dans l'opération de rapatriement des dividendes. D'autres se sont vus envoyer au poteau pour une affaire de non-recouvrement d'une créance sur un client étranger, à l'heure où des importateurs de tous genres excellaient dans la surfacturation, l'évasion fiscale, le transfert illicite de devises vers l'étranger, etc. Si l'Afrique revêt aujourd'hui une importance considérable aux yeux de l'Exécutif, c'est parce que les recettes pétrolières évoluent à un rythme inconfortable, à quoi s'ajoute un impératif de diversification de l'économie et des ressources. Faibles échanges Autant de justificatifs qui expliquent l'intérêt naissant pour l'exportation. D'où l'idée de réunir à Alger les faiseurs africains de croissance. Alger va présenter au reste du continent africain ses ambitions pour une meilleure coopération commerciale et un projet censé donner du punch aux échanges intra-africains. Un objectif inavoué néanmoins : permettre aux entreprises algériennes de se positionner pour tirer parti de l'essor à venir du marché africain. Le pays étant en retard. L'Algérie exporte pour à peine 83 millions de dollars vers l'Afrique, exception faite de la Mauritanie, la Libye, l'Egypte, le Maroc et la Tunisie, avons-nous appris auprès de l'Anexal (Association nationale des exportateurs algériens). En 2015, dans le segment des ventes hors hydrocarbures, l'Algérie a exporté vers l'Afrique des dérivés du pétrole, tels que les combustibles minéraux et huiles minérales, les matières bitumineuses, des produits chimiques organiques et inorganiques, matières plastiques, du caoutchouc et produits du caoutchouc, aluminium. L'Algérie a exporté également du verre et des produits de verre, papiers et cartons, des produits pharmaceutiques, machines, appareils et matériels électriques, engins mécaniques, peaux et cuirs, fibres synthétiques ou artificielles, voitures, tracteurs, cycles et autres véhicules terrestres, des meubles, articles textiles. En produits alimentaires, l'Algérie a vendu à l'Afrique des boissons, liquides alcooliques et vinaigres, préparations à base de céréales et farine, du lait et de la pâtisserie, des fruits, miel naturel, des légumes, des plantes, des racines et tubercules alimentaires, des poissons et des crustacés, des graines et fruits oléagineux. Durant le même exercice, le pays a exporté aussi des produits de parfumerie, des sels, des tabacs et des métaux, tels que le cuivre et les produits ferreux, avons-nous appris auprès de l'Anexal qui recense chaque année les produits exportés et les entreprises exportatrices dans le segment des ventes hors hydrocarbures. Pistes de travail Selon les mêmes statistiques, l'Algérie arrive loin derrière le Maroc et la Tunisie en termes de chiffre d'affaires et le nombre des produits et des groupes de produits exportés à destination des pays africains. Une position défensive qui résulte de «l'absence d'une stratégie nationale ciblant le marché africain, une méconnaissance des règlementations, des canaux de distribution, des besoins sectoriels, etc.», signale Ali-Bey Nasri, président de l'Anexal, qui relève également «l'absence d'accords commerciaux avec les espaces économiques (Uemoa, Comessa, Cedeao- Cemac), ainsi qu'un déficit en accords de promotion et de protection réciproque des Investissements (APPI)». Ali-Bey Nasri appelle à mettre les bouchées doubles sur le continent africain à travers la révision du règlement 14/04 de la Banque d'Algérie, l'accompagnement des opérateurs par un consortium de banques publiques (ou) d'une seule banque sur les marchés cibles, exercer un lobbying auprès des bailleurs de fonds qui financent les grands projets structurant en Afrique, etc. En somme, c'est la mise en place d'un business model pour l'Afrique auquel appellent Ali-Bey Nasri et bien d'autres opérateurs. Sur la bande frontalière sud, le président de l'Anexal suggère la mise en place d'une ligne de crédit revolving avec le Niger qui constituerait une plateforme de diffusion des produits algériens sur le Nigeria, le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad, ainsi que l'ouverture d'une zone franche ou d'un entrepôt sous douane à Tamanrasset pour capter les demandes des pays frontaliers. Cependant, l'inadaptation de la réglementation bancaire, l'absence d'une chaîne logistique, d'instruments de financement, de garantie et d'assurance à l'export… risquent d'inhiber une quelconque ouverture sur les marchés africains. Ce à quoi devra s'atteler l'Exécutif dès à présent pour donner du crédit à sa démarche auprès de l'Afrique.