Les Etats-Unis ne veulent pas installer des bases militaires ni en Algérie ni dans toute la région, Sahel y compris. C'est ce qu'a annoncé, hier, lors d'un point de presse à la résidence de l'ambassadeur américain à Alger, Peter W. Rodman, secrétaire adjoint à la Défense pour la sécurité internationale, en visite de 48 heures en Algérie. « Nous voulons augmenter les capacités des forces locales, pas ouvrir des bases », a-t-il déclaré. Selon lui, le Pentagone réfléchit à créer un commandement des forces américaines en Afrique, à l'image de l'Eucom de Stuttgart pour l'Europe, mais aucune décision n'a été prise encore pour concrétiser le projet. Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense, a chargé des experts pour plancher sur le dossier. Peter W. Rodman, venu à Alger accompagné d'experts, a coprésidé avec le général-major Ahmed Senhadji, secrétaire général du ministère de la Défense nationale, la deuxième réunion du Dialogue militaire conjoint (Joint Military Dialogue, JMD), après celle de Washington en 2005. C'est la première fois que l'existence de ce forum est annoncée officiellement. La réunion d'Alger s'achève aujourd'hui. Selon l'officiel américain, les Etats-Unis ont engagé plusieurs dialogues du même type avec des pays comme l'Egypte et la Jordanie. Après Alger, Peter Rodman ira à Amman pour présider une réunion similaire. Le MDN, dans un communiqué rendu public, a évoqué ce « dialogue conjoint » sans en détailler la teneur. De quoi s'agit-il ? « Nous évoquons les exercices militaires communs, les échanges d'informations, les achats d'équipements militaires, les échanges d'officiers. C'est également une occasion d'évoquer les intérêts stratégiques des deux pays et d'échanger nos points de vue sur la situation au Moyen-Orient », a précisé Peter W. Rodman qui, par le passé, fut vice-président du Conseil national de sécurité des Etats-Unis. S'il ne veut parler des détails techniques, l'adjoint de Donald Rumsfeld a reconnu la disponibilité de son pays à vendre des équipements militaires mais cela se fera d'une manière graduelle. « Les procédures à Washington sont compliquées. Il y a une législation du Congrès à respecter avant de prendre toute décision de vente », a indiqué Peter W.Rodman. L'ambassadeur a précisé que des experts sont à Alger pour expliquer ces procédures et comment faire pour satisfaire les exigences légales américaines en la matière. « Tout cela se décidera au cas par cas (...) », a annoncé Peter W. Rodman en réponse à une éventuelle vente d'armes offensives. Les Etats-Unis ne sont, selon lui, pas inquiets par la concurrence d'autres pays, comme la Russie, qui vendent ou qui vont vendre de l'armement dans la région du Maghreb (l'Algérie a conclu un marché d'achat d'armes russes estimé à 7,5 milliards de dollars). « Nous savons que la Russie va vendre plus. Mais l'Algérie cherche différents équipements (...) Il n'y a pas de concurrence entre nous, la Russie ou la Chine. Nous avons autre chose à vous offrir », a souligné Peter W. Rodman. Le JMD va, d'après ses dires, préparer un plan de manoeuvres militaires entre les deux armées ou en collaboration avec l'OTAN. Les derniers exercices en date remontent à l'année passée avec l'opération Flintlock 2005 (Maghreb-Afrique) et à des entraînements en Ukraine. Le programme de ces manoeuvres est décidé en fonction des besoins et des demandes de l'Algérie. Interrogé sur le risque de « terrorisme nucléaire », évoqué fin octobre 2006 lors d'une rencontre du G8 à Rabat (Maroc), Peter W. Rodman a préféré rappeler la position officielle de Washington, celle de n'opposer aucun refus au développement de l'énergie nucléaire civile. « C'est ce que nous avons dit aux Iraniens. Nous n'avons aucun problème avec des pays qui respectent leurs engagements internationaux et qui ne développent pas des programmes atomiques dans le secret. Cela ne concerne pas l'Algérie. Nous craignons que l'attitude de l'Iran encourage d'autres pays à engager des projets similaires. Il y a risque de prolifération », a-t-il déclaré. Auteur d'une analyse intitulée « Ne déstabilisez pas Alger », publiée en 1996, Peter W. Rodman a rappelé qu'il était contre la position de son gouvernement sur la situation sécuriatire en Algérie. « J'ai dit que l'Algérie faisait face à des intégristes et luttait contre le terrorisme. J'étais contre l'idée de négocier. Dans la lutte contre le terrorisme, il ne faut pas montrer des signes de faiblesse », a-t-il dit, soulignant « la lutte commune » entre son pays et l'Algérie contre le terrorisme. « Pour mon gouvernement, la lutte contre le terrorisme n'est pas une guerre américaine contre l'Islam. C'est une lutte des peuples civilisés contre les fondamentalistes. Les Etats-Unis sont fiers d'avoir des pays amis dans le monde arabe qui coopèrent dans cette lutte. Et les pays arabes sont dans la ligne de front dans ce combat », a-t-il ajouté. La coopération se concentre sur les techniques de contrer le phénomène et sur l'échange de renseignements. Le cas des Algériens détenus à la prison de Guantanamo Bay, à Cuba, après les attentats du 11 septembre 2001, n'a pas été abordé lors des discussions à Alger. Peter W. Rodman a été reçu par le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, par Abdelmalek Guenaïzia, ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, et par Ramtane Lamamra, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. A propos de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, il a évoqué l'existence de programmes multilatéraux avec des pays africains. Il a souhaité une collaboration technique plus prononcée entre les pays du Maghreb pour prévenir la menace terroriste. Peter W. Rodman a estimé que sur le plan stratégique, l'Algérie est un pays important même si durant la guerre froide les relations avec les Etats-Unis étaient compliquées. La venue de Peter W. Rodman à Alger est la deuxième, en importance, après celle de Donald Rumsfeld en février 2006.