Certains transformateurs se permettent de dépasser les limites tolérées des additifs, notamment du sucre brûlé, causant un véritable problème de santé publique. En buvant du café, les Algériens seraient-ils en train de consommer du poison ? A en croire les associations de protection des consommateurs et les experts, c'est bien le cas. Le mot peut paraître trop fort. Mais certains transformateurs se permettent de dépasser les «bornes» tolérées des additifs, notamment le sucre brûlé. La situation serait bien compliquée et présenterait un véritable problème de santé publique. Comment ? Avant de répondre à cette question, il est important de rappeler que les Algériens sont les plus grands consommateurs de café en Afrique et dans le Monde arabe. D'après Boulenouar Hadj Tahar, président de l'Association nationale des commerçants algériens, un Algérien consommerait quelque 3 kg de café par an. Les importations seraient estimées à 300 000 tonnes par an pour une consommation annuelle de 120 000 à 130 000 tonnes. La valeur des importations dépasserait les 300 millions de dollars par an. Le danger n'est pas le fait de rajouter du sucre, même s'il nuit aux diabétiques, mais dans la quantité ajoutée, qui ne devrait pas dépasser les 5%, et également la molécule très dangereuse qui se développe quand le sucre atteint les 120°C. Cette molécule, l'«acrylamide», pourrait, selon l'OMS, attaquer le système nerveux chez l'homme et provoquer le cancer du sein chez la femme. Les transformateurs de café recourent à ce système afin de récupérer les 20% du poids de café perdus après torréfaction. «L'Etat algérien avait toléré, par le passé, cette pratique à condition que cela ne dépasse pas les 2% ajoutés après torréfaction et non pas pendant le processus. Cela s'appelle l'enrobage, qui est totalement inoffensif. Le vide juridique qui a accompagné l'introduction de nouveaux matériels de torréfaction d'Europe a laissé place à des dépassements qui ont fait paraître cet arrêté autorisant les torréfacteurs à ajouter du sucre à condition de ne pas dépasser les 5%. Malgré cela, les infractions et les pratiques frauduleuses n'ont pas été cernées. D'après les témoignages de certains fabricants de café, les pratiques frauduleuses de certains transformateurs sont allées jusqu'à ajouter 30% de sucre. Plus de 80% du café disponible sur le marché contient du sucre. Ceux qui n'en contiennent pas sont des marques qui coûtent cher et peuvent ne pas être à la portée du consommateur», confie le docteur Mustapha Zebdi, président de l'Association de la protection et de l'orientation du consommateur et son environnement (Apoce). Même s'il confirme que le contrôle du taux de sucre dans le café disponible sur le marché est difficile, étant donné qu'il est impossible de contrôler chaque lot produit, il appelle le ministère de tutelle à plus de rigueur dans cette mission et à imposer aux opérateurs de mentionner la mention «torrefacto» sur l'emballage. Un nouveau décret, et après... Comme une prise de conscience du danger que représente ce type de café et suite à une enquête qui a abouti à plusieurs infractions relevées, le gouvernement a adopté récemment un décret exécutif encadrant exclusivement la production et la commercialisation du café torrefacto. En effet, le ministère du Commerce, dans une déclaration à l'APS, confirme les dires des associations, notamment pour ce qui est du non-respect des proportions de sucre ajouté dans le café torréfié. Ce nouveau texte exécutif fixe à 3% le maximum au lieu de 5% jusqu'à maintenant, les proportions tolérées en sucre, en caramel ou en amidon dans la composition du café torréfié. Au moment où il est toléré pour les cafés torréfiés, décaféinés ou non, certaines opérations comme le mélange de cafés d'espèces Arabica et Robusta ou de provenances différentes, ce nouveau texte interdit clairement la torréfaction du café vert avec du sucre ajouté et fixe sa teneur en eau ou en humidité à un taux inférieur à 12,5%. Les opérateurs doivent, selon le même décret, fixer des valeurs indicatives ou les taux tolérés pour la substance toxique «acrylamide» pour réduire le taux d'exposition à cette substance. Tout mélange de cafés avec des succédanés est toléré, à condition que la dénomination du produit ne contienne pas le mot «café» et que celui-ci figure uniquement dans la partie composition sur l'emballage. Les opérateurs sont sommés de se conformer à ce nouveau texte dans un délai de six mois. Pour Fouad Hamdani, PDG d'Africafé, ce décret est totalement insuffisant pour mettre fin aux pratiques frauduleuses. «L'ajout de sucre est loin d'être une obligation. L'Algérie est l'unique pays à tolérer ce genre de torréfaction qui remonte à la période la Première Guerre mondiale. Ce nouveau texte est insuffisant étant donné qu'il a laissé une brèche pour les fraudeurs que les inspecteurs auront du mal à contrôler», souligne-t-il, avant d'appeler les autorités concernées à consulter les connaisseurs et les professionnels dans le domaine afin d'avoir des textes complets sans aucune réserve à signaler. L'Etat va-t-il prendre en considération ces alertes ? Aucune réponse à l'horizon pour le moment.