Vendredi soir, la salle de la cité universitaire des Frères Aoudjra, à Batna, a abrité un riche débat sur la présence du cinéma dans les campus. Débat organisé à l'occasion du 3e Festival national du court métrage universitaire, qui s'est achevé hier soir, et qui a été animé par, entre autres, les metteurs en scène et comédiens Chawki Bouzid, Lotfi Bensebâa et Ali Djebara, le journaliste et romancier Tahar Helissi, le critique Djamel Mohamedi, le comédien Hakim Dekkar et l'envoyé spécial d'El Watan. Pendant plus de deux heures, l'échange avec les étudiants était riche, vif et instructif. Certains étudiants ont proposé des courts métrages au festival, d'autres ont exprimé leur frustration de n'avoir pas été retenus. Ali Djebara, membre du comité de sélection, a expliqué qu'un court métrage répond à des normes techniques, artistiques et esthétiques. «Malgré cela, nous avons sélectionné une vingtaine de films sur la quarantaine que nous avons reçus. Nous avons, en dépit de certaines faiblesses, pris des films pour donner la chance aux jeunes réalisateurs», a-t-il dit. Lotfi Bensebaâ a estimé qu'il faut d'abord penser à la formation aux métiers du cinéma avant toute autre chose. «Sans formation, le cinéma n'ira pas loin. Cela doit être une priorité pour l'instant», a-t-il dit. Un plaidoyer a été fait pour la création d'une véritable école algérienne de formation aux métiers et aux arts du cinéma, comme cela existe en Tunisie, au Maroc ou en Egypte. Chawki Bouzid a relevé que le développement des nations dépend des élites, de l'université. «Vous faites partie de l'élite. Pensez à votre rôle au sein de la société. De cette salle, sortira peut- être un ministre de la Culture ou un président de la République, qui sait ! Il faut maîtriser les arts et les sciences. Le Turc, l'Américain, le Français, l'Egyptien et d'autres se sont installés dans nos têtes grâce au pouvoir de l'image, de la télévision et du cinéma. Mais qu'avons nous fait de notre matière grise ? On peut changer les choses si l'on veut», a-t-il estimé. Le débat s'est concentré ensuite sur l'industrie du cinéma en Algérie et sur la contribution de l'université à la relance de cette industrie. Hakim Dekkar a rappelé que le cinéma algérien a connu plusieurs âges depuis l'indépendance du pays. «Mais, aujourd'hui, on constate qu'il n'existe presque plus de salles dans le pays. Les financements sont rares. La production des films algériens est faible. Cette situation ne peut pas durer. Le rôle de l'université est, à ce propos, important en matière de propositions de solutions et de redynamisation du secteur. Un comédien tunisien m'a dit que toute l'Algérie est un immense studio avec ses décors naturels. Nous ne savons pas comment exploiter cette richesse», a-t-il regretté. Pour Chawki Bouzid, il n'y a pas d'industrie cinématographique en Algérie à l'heure actuelle. «Alors que dans les années 1970, le financement du cinéma se faisait à partir de la billetterie. Rendez vous compte ! Durant cette période, l'Algérie a décroché la Palme d'or à Cannes et est allée aux oscars», a-t-il rappelé. Tahar Helissi a, de son côté, insisté sur la présence de ciné-clubs au sein de l'université. «Rien ne vous empêche de créer des ciné-clubs. C'est là qu'on apprend les techniques du cinéma, le jeu d'acteur, l'écriture du scénario, les outils de la critique, la prise de vue. L'université ne doit pas rester enfermée sur elle-même. Il y a des occasions pour faire beaucoup de choses», a-t-il noté. Tous les intervenants ont estimé que le travail artistique fait au sein de l'université algérienne demeure encore assez faible, peu visible. «Il existe des possibilités de le développer encore davantage. Il ne faut pas vous décourager. Chacun de vous peut devenir comédien ou réalisateur, mais il faut apprendre, faire preuve de patience, persévérer. On peut vous accompagner, vous aider», a déclaré Hakim Dekkar, qui est également producteur. Il a rappelé qu'il a, pour le feuilleton Djouha, sélectionné deux étudiantes, devenues aujourd'hui des comédiennes. Chawki Bouzid a également parlé d'un étudiant de Annaba qu'il a soutenu en tant que producteur pour la réalisation d'un court métrage, qui a décroché le premier prix au dernier Festival du film méditerranéen de Annaba (octobre 2016). Certains étudiants ont demandé à être appuyés par les professionnels pour la réalisation de leur rêve cinématographique dans le futur. D'autres se sont interrogés sur la manière de développer une industrie cinématographique à l'université ou dans le pays. «Je pense qu'il faut parler de production audiovisuelle au sein de l'université, pas encore de cinéma. Mais, cette production ne doit être appuyée qu'à condition que les étudiants montrent de l'intérêt et qu'ils apprennent davantage sur cet art», a plaidé Djamel Mohamedi. Tous les intervenants au débat ont relevé que la relance sur secteur du cinéma en Algérie exige une réelle volonté politique et une véritable économie culturelle à inscrire dans la durée.