Par M. Yaker Professeur agrégé La radiothérapie par accélérateur de particules est utilisée pour le traitement de nombreux cancers depuis 1952, mais ces trente dernières années, la qualité et la fiabilité des équipements utilisés ont pu être particulièrement améliorées grâce à de nouveaux matériaux, à une meilleure compréhension des effets biologiques des radiations et aux évolutions de l'informatique. L'adjonction d'un système d'imagerie externe, lui aussi évolutif, permettant d'obtenir une image radiologique classique 2D de la zone d'irradiation du patient en position de traitement, a encore accru l'efficacité de ces appareils. En parallèle, dès son apparition, le scanner a été adopté par les médecins-radiothérapeutes et adapté à leur activité, permettant de fixer, avec le patient, la position de référence la plus confortable et la plus reproductible pour ses séances d'irradiation (simulation du traitement). Il permet aussi de calculer, à partir des images' obtenues, les doses d'irradiation à délivrer (dosimétrie). On peut ainsi, en comparant les images obtenues par ces deux appareils, de types différents, s'assurer du bon positionnement du patient et de corriger d'éventuels décalages. Tous ces progrès se sont accompagnés d'une sophistication croissante des protocoles de traitement, gage d'une plus grande efficacité de l'irradiation et d'une réduction des effets secondaires indésirables. Cependant, en raison, en particulier, des limites de la physique et en dépit des efforts des constructeurs traditionnels, les possibilités d'amélioration des appareils de radiothérapie s'amenuisent, tandis que des effets secondaires indésirables et des complications émaillent toujours le cours du traitement et/ou la période de post-traitement. L'amélioration de la qualité et de la sécurité des traitements imposait de trouver de nouvelles approches, technologiques et thérapeutiques. Des chercheurs et des médecins de l'université du Wisconsin, dirigés par le Pr Rock Mackie, y parvinrent en mettant sur le marché, dès 2003, un nouveau type d'appareil de radiothérapie. Révolutionnaire par sa conception, il associait dans le même équipement un accélérateur de particules émettant des faisceaux de radiations et un scanner fournissant une imagerie 3D. Ils l'appelèrent Tomotherapy, (c'est-à-dire traitement par coupes, en grec). La tomothérapie reprend les principes du scanner à rayons X : découpage d'une zone anatomique en coupes (tranches) jointives, déplacement horizontal du plateau sur lequel est couché le patient à travers un anneau tournant sur 360° supportant le système d'émission des radiations. On va donc pouvoir réaliser, au début de chaque séance de traitement, des images scanner, qui, comparées à celles du scanner de simulation, permettent de vérifier aisément que le positionnement du patient est adéquat. Le système Tomothérapie divise la zone à irradier en tranches (coupes) qui vont être exposées, une à une, à l'irradiation, grâce au déplacement du plateau. Pendant ce déplacement, le système d'émission des faisceaux d'irradiation tourne en continu sur 360°. Il peut produire, au cours d'une seule rotation, jusqu'à 51 mini-faisceaux simultanément. Le nombre, l'intensité et l'angle d'émission de chacun d'entre eux est programmé par le physicien médical pour une efficacité optimale. Le Tomothérapy bénéficie, en outre, d'un système particulier et spécifique de collimation : il est composé de micro-lames indépendantes, en tungstène, très absorbantes, accolées les unes aux autres, mobiles dans un plan horizontal, dont le déplacement et la position peuvent être programmés une à une : on peut ainsi, de façon dynamique et spécifique, sculpter des faisceaux de rayonnement, dont les limites se superposent avec une grande précision aux contours de la tranche de la tumeur à traiter. Le système informatique très performant de la tomothérapie permet l'application en routine des méthodes de traitement les plus récentes et les plus efficaces, comme la radiothérapie conformationnelle, avec modulation d'intensité (RCMI) : elle permet une délimitation très précise de la zone à irradier et un ajustement de l'intensité de chaque faisceau de rayons : on obtient ainsi une efficacité optimale sur la tumeur et une réduction maximale des risques pour les structures saines. La radiothérapie guidée par l'image (RTGI), caractéristique de la tomothérapie, est aussi un apport majeur de cette technologie, en fournissant une image quotidienne, en temps réel, de la zone à traiter, elle permet d'identifier aisément les variations anatomiques (modification du volume de la tumeur et/ou de la position des organes adjacents, changement de morphologie du patient (amaigrissement en particulier) : la taille des faisceaux et leur intensité sont alors recalculés et adaptés à la nouvelle situation. On intègre ainsi un concept en pleine évolution : la radiothérapie adaptative. En quoi la Tomothérapie est-elle révolutionnaire ? La tomothérapie limite significativement les effets secondaires indésirables habituels de la radiothérapie sur les tissus et organes sains. Ainsi, le traitement des cancers de la prostate épargne systématiquement la vessie et le rectum, tout comme le sont les anses grêles au cours du traitement des cancers du rectum, le cœur et les poumons pendant le traitement des cancers du sein. La peau aussi est beaucoup moins affectée. La protection des organes sains est aussi améliorée grâce au scanner quotidien réalisé avant le début du traitement. Il identifie les modifications du volume de la tumeur et de position des organes adjacents et permet d'adapter les faisceaux de radiations à ces nouvelles situations. Le traitement des tumeurs à forme complexe, habituellement difficile à réaliser, est un apport majeur de la tomothérapie : comme vu plus haut, elle permet d'adapter la forme des faisceaux d'irradiation aux contours exacts d'une tumeur et épargne complètement les organes à son contact, ainsi, la protection des glandes salivaires (évitant la disparition de la sécrétion de salive ) ou des oreilles interne et moyenne, lors du traitement des tumeurs ORL, sont de bons exemples. Par ailleurs, grâce à un champ d'irradiation pouvant s'étendre sur 135cm de longueur, la tomothérapie prend en charge le traitement des tumeurs étendues en longueur, comme le médulloblastome, le traitement de tumeurs multiples ou étagées, comme les métastases, et ce, en un seul temps et sans aucun changement de position, offrant ainsi un confort considérable aux patients. Que ce soit sur un champ d'irradiation étroit ou étendu en longueur, l'utilisation du mode spiralé est un des autres avantages importants de la tomothérapie. Il supprime la possible superposition des faisceaux de radiations et évite que les doses de radiations puissent être excessives (surdosages) avec des risques d'effets délétères, ou insuffisantes (sous-dosages), rendant le traitement insuffisant par rapport au plan de traitement initialement défini. De plus, la tomothérapie est dotée d'un système de calcul précis des doses délivrées et de la possibilité de correction en temps réel de ces doses, ouvrant la voie à la radiothérapie dite adaptative. Cette caractéristique offre un avantage considérable dans la réalisation et le respect des protocoles appliqués. Les spécificités de la tomothérapie permettent aussi la réalisation de traitements en hypo-fractionnement, c'est-à-dire la délivrance de doses quotidiennes beaucoup plus importantes que celles habituellement administrées, mais aussi une durée de traitement beaucoup plus courte que celle habituellement adoptée (par exemple 15 séances au lieu des 25 séances pour un cancer du sein). Lors de la réalisation de séances en hypofractionnement, la capacité de la tomothérapie à réduire les effets secondaires de l'irradiation, malgré une augmentation importante des doses, lui confère une efficacité encore plus importante. Chez l'enfant, le traitement des pathologies solides est un domaine dans lequel les avantages cités tout au long de cet article trouvent un champ d'application optimal: tumeurs de forme complexe, étendues et étagées, mais nécessité de préserver les organes nobles, comme la moelle épinière, les yeux ou le cerveau. Dans certains cas, grâce à ses caractéristiques, la tomothérapie offre aussi une solution thérapeutique en cas de récidive d'une tumeur déjà traitée par radiothérapie. Habituellement contre-indiquée, la possibilité de réaliser des réirradiations constitue un avantage important pour des patients, dont le seul traitement se trouve être la radiothérapie, et qui ne pouvaient plus en bénéficier. Par ailleurs, la sécurité des patients, après de graves problèmes de surirradiation, comme à Epinal, en France, par exemple, est aujourd'hui un thème central en radiothérapie. Là encore, le système Tomothérapie dispose de procédures automatisées et simplifiées de contrôle qualité permettant, grâce à une série de tests réalisés quotidiennement, de vérifier que l'appareil délivre la dose juste et que le patient reçoit la dose telle que calculée par les plans de traitement. Enfin, la conception du système Tomothérapie simplifie significativement, après une formation médicale et technique spécifiques, les procédures de travail des différents intervenants : médecin-radiothérapeute, physicien médical et manipulateur, libérant ainsi un temps précieux à accorder aux patients. Elle permet, dans l'état actuel de la technologie, la réalisation d'une séance de radiothérapie d'une durée totale moyenne n'excédant pas 15mn, avec un temps d'irradiation de 5mn. Il faut enfin souligner que cette technique de traitement, relativement récente, dispose d'une marge d'évolution technique très importante s'appuyant sur les recherches en cours et sur les retours d'expérience du nombre croissant de ses utilisateurs dans le monde. Le caractère révolutionnaire de la tomothérapie réside dans sa capacité à offrir à chaque patient un protocole de traitement personnalisé, évolutif, particulièrement adapté à son cas, dans des conditions d'efficacité optimales, avec une réduction impressionnante des effets secondaires indésirables.