Un spectaculaire et énigmatique vol a eu lieu durant la nuit de dimanche à lundi au siège de l'inspection des Domaines d'Oran, situé en plein centre-ville, en face du lycée Pasteur. Les « visiteurs » de la nuit sont entrés dans le bâtiment par effraction pour déménager une grande partie des archives, entreposées dans des coffres-forts et liées notamment au foncier, vers une destination inconnue. Ce n'est que le lendemain, une fois les employés sur place, que les responsables se sont rendu compte de ce vol et ont de ce fait alerté les services de police, lesquels ont ouvert une enquête. La première personne convoquée par ces derniers a été le gardien de nuit, lequel n'a pas expliqué les circonstances de ce vol. Cette information s'est répandue comme une traînée de poudre dans l'Oranie et a suscité de lourdes interrogations du fait que le vol intervient au moment où la place oranaise est fortement secouée par des scandales en cascade liés notamment au foncier, mais également aux intérêts occultes qui lient les barons de la drogue aux plus hauts responsables militaires et civils qui se sont succédé à la tête de la wilaya d'Oran de 1994 à 2004. L'enquête ouverte actuellement au niveau du parquet d'Oran sur la dilapidation du foncier agricole risque d'enfoncer davantage ces responsables dans la mesure où déjà des dizaines d'hommes d'affaires, dont les richesses sont apparues durant la période du terrorisme, ainsi que des hauts cadres de l'Etat, risquent, si l'enquête aboutit, d'être traînés devant la justice pour avoir participé à la dilapidation des deniers publics. Il suffit donc d'ouvrir les archives des services des Domaines de la wilaya d'Oran pour situer les responsabilités des uns et des autres dans ce qui est désormais le scandale du foncier agricole. C'est pour cela que tous les observateurs de la scène oranaise voient, dans ce vol des archives de l'inspection des Domaines, une manière d'effacer les traces de toute culpabilité des uns et des autres. Aujourd'hui, il est regrettable de constater que la justice a raté le coche en ouvrant le dossier de Bachir Frik, ancien wali d'Oran. Elle aurait pu ne pas se limiter uniquement au mandat de Bachir Frik, mais poursuivre l'enquête pour mettre la lumière sur tous les mandats des walis qui lui ont succédé, parce que le désastre est de loin plus important, puisque des centaines d'hectares, pour ne pas dire des milliers, ont été cédés à des pontes du système, à des barons de la drogue, souvent recherchés, et à des responsables locaux. Bachir Frik apparaît aujourd'hui comme un enfant de cœur devant ceux qui ont succédé à son poste. N'y a-t-il pas à travers le vol de l'inspection des Domaines une volonté de détruire des documents compromettants pour certains hauts responsables locaux ? C'est la question à laquelle l'enquête des services de police, si on veut vraiment élucider ce vol, devra apporter une réponse.