Avril 2004. A Mertoutek, la personne qui m'avait dit bien connaître le versant montagneux de la Téfedest noire est absente. Un autre guide se propose : Amghar Chunka Ag Edmetek, qui déclare m'avoir vu au village dès le début des années 1970. Il devait être bien petit puisqu'il n'a que 42 ans ! La conversation a lieu en tamahaq bien qu'il ait des notions de français. Pas de problème pour lui de se rendre où je désire. A croire qu'il attendait notre petit groupe, car à peine entré chez lui, il en ressort avec sac et couverture ! Amghar est également un neveu d'Abarhor et a été formé par cet oncle. Il s'avère être une excellente recrue. Garde au parc de l'Ahaggar, en pleine forme physique, il est heureux d'être en montagne, de la parcourir même chargé d'un gros sac, et de découvrir, tout comme son parent Ali, des régions de la Téfedest dont il ne connaît que le nom. Le but de cette première randonnée était de parcourir le haut de quelques oueds du versant est de la Téfedest noire. En passant dans l'oued In Ezaf, nous nous arrêtons au campement du père d'Amghar. «On se connaît depuis longtemps, me dit-il. J'ai été ânier pour le premier groupe français que tu avais amené chez nous et aussi pour un groupe américain que tu accompagnais. Ton ami Abdallah, un Dag Ghali, était avec toi. A la fin du voyage, vous aviez escaladé tous deux, en courant, Eskar n'Aza et Eskar n'Eihed». Décidément, les souvenirs sont tenaces ! Le père d'Amghar me propose au retour de rencontrer Taïeb, un autre ânier de nos premiers voyages, toujours vivant mais impotent. Du campement, nous ramenons du lait de chèvre et une bouteille de beurre, signe que le pâturage n'est pas mauvais, bien que près du village. Peu de touristes cette saison (2004), raconte Amghar, seulement des gens en voiture. Aucun groupe pour monter avec des ânes à Wa n'Bouya et Chaboten ou Timedwin. Notre voyage nous permit de visiter le bassin de l'oued Edukrum et le plateau nord d'In Tarain, atteint à partir de l'oued Amrhah après une rude montée de cinq heures dans la chaleur d'un après-midi. Nous avions emporté chacun six litres d'eau pour deux jours, réserve déjà bien entamée qui laissait présager un lendemain difficile ! La chance sourit aux audacieux, dit le dicton. Ce fut effectivement le cas, puisqu'Amghar, parti en reconnaissance, revint avec son bidon de neuf litres plein à ras bord d'une eau miraculeusement trouvée dans une fissure d'un tout petit affluent de l'oued Wa n'Afegieg, tête de l'oued Amrhah. Jusqu'en novembre 2012, nous ferons plusieurs voyages avec Amghar qui nous conduiront aussi dans les régions Sud et Ouest de la chaîne et dans les têtes des oueds Timalain et Zézéré, oueds qui demandaient à être soigneusement revisités malgré les nombreux voyages qui s'y sont succédé depuis 1935. Amghar est-il actuellement le meilleur guide de Mertoutek ? On peut l'assurer, vu sa grande connaissance du massif, son intérêt pour la préhistoire et sa joie de découvrir de nouveaux sites de peinture, soit par ses recherches personnelles, soit grâce à des renseignements fournis par des bergers ou des cueilleurs de myrtes, son intérêt pour l'histoire de la Téfedest, les animaux grands et petits qui vivent dans le pays, les plantes aussi dont les noms échappent de plus en plus aux jeunes générations. Sans avoir jamais fréquenté l'école, Amghar est aussi capable de dessiner sur son carnet les animaux ou les personnages représentés sur une paroi peinte. C'est Amghar qui m'apprit que si j'avais rencontré beaucoup de monde à Mertoutek, je n'avais pas connu les deux fils de Selam, déjà disparus à mon arrivée dans le village. Par contre, c'était un de ses petit-fils, décédé lui aussi à ce jour, El Khacen, qui m'avait accompagné comme ânier lors d'un de mes tout premiers voyages. Etant à peine vêtu et sans couverture, pour passer une nuit qui s'annonçait plus que fraîche, il fit brûler un tronc d'arbre mort sur le sable de l'oued où nous avions installé notre bivouac. Puis après avoir retiré les cendres et les dernières braises, il creusa son lit dans le sable chaud et s'y installa pour la nuit ! Si je l'avais interrogé, j'aurais certainement appris beaucoup sur son grand-père et Sidi Bouya, mais à cette époque je ne savais pas assez de tamahaq pour entretenir une conversation.