Après lui, c'est lui ! Il s'agit cette fois du président sortant de la République démocratique du Congo (RDC) en fin de mandat exactement depuis le 19 décembre à minuit. La loi qu'il avait lui-même acceptée ne lui accorde pourtant plus aucun temps de pouvoir et encore moins un troisième mandat, mais lui a décidé de rester, sans même organiser d'élection, ce qu'il ne peut faire, la Loi fondamentale du pays, qui constitue à cet égard un véritable verrou, le lui en interdisant. Quelle logique ! Une logique mortelle dans un pays absorbé par la violence. L'ONU vient de recenser au moins 40 personnes tuées et 460 autres arrêtées en RDC cette semaine alors qu'elles protestaient contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila. L'Afrique vit une incroyable catastrophe, celle de l'exercice du pouvoir. Son accaparement suscite et nourrit toutes les incertitudes. Mais dans un pays qui n'a jamais échappé à cette logique depuis son indépendance, la situation est réellement inquiétante. On ne compte plus les guerres, très nombreuses, ainsi que les coups de force comme celui qui a permis à Joseph Kabila d'accéder au pouvoir. Il a succédé à son père qui s'était emparé du pouvoir en mai 1997 à la suite d'une guerre contre l'ancien dictateur Mobutu, lui-même devenu président après avoir fait la guerre aux dirigeants historiques de l'ancien Congo devenu Zaïre. Un bien triste parcours pour un pays situé au cœur du continent africain et immensément riche. Deux éléments qui seraient paradoxalement à l'origine de ses problèmes, l'exercice du pouvoir en étant un autre. Il risque même de s'exacerber avec l'appel de l'opposant congolais Etienne Tshisekedi. «Je lance un appel solennel au peuple congolais à ne plus reconnaître l'autorité de Joseph Kabila, à la communauté internationale de ne plus traiter avec Joseph Kabila au nom de la République démocratique du Congo», déclare le vieil opposant. Et s'il insiste sur le caractère pacifique de telles actions, c'est pour préserver son pays, en attendant l'aboutissement de négociations lancées le 8 décembre afin justement de trouver une issue pacifique à une crise qui semblait inévitable. Mais Joseph Kabila a préféré mettre sur pied un nouveau gouvernement, quelques minutes avant la fin officielle de son mandat. Et là, l'opposition, du moins une partie d'entre elle, est impliquée dans cette confusion, acceptant un accord alors que le dialogue politique est toujours en cours mais suspendu. Le nouveau cabinet, formé lundi, est dirigé par un transfuge de l'UDPS, le parti d'Etienne Tshisekedi, et composé de plusieurs ministres de l'opposition ayant joué comme lui le jeu du «dialogue national» proposé par Joseph Kabila. La situation politique est donc assez confuse, le pouvoir pouvant, dans un tel cas, se prévaloir d'un accord signé avec cette partie de l'opposition et prévoyant une présidentielle pour avril 2018. Un compromis loin de faire l'unanimité. Et pour cause, les autres mouvements d'opposition, les plus importants, n'ont jamais voulu le signer. La plupart des grandes villes du pays craignent que cette situation dégénère comme en 1996 et 2003. Une appréhension partagée par la communauté internationale comme en témoignent ses appels au calme lancés depuis des semaines déjà. Un sujet d'inquiétude encore aggravée hier par l'incertitude qui a succédé à l'optimisme. Il était bien question jeudi, en fin de journée, d'un accord de sortie de crise, mais il a suffi de quelques heures pour que cet espoir s'estompe. «Ça se complique», a laconiquement confié une source au sein de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui assure la médiation de ces négociations pour une transition politique pacifique, ouvertes le 8 décembre. «C'est sûr, nous terminerons demain» (vendredi), avait pourtant assuré cette même source. C'est le coup de force, un de trop pour l'Afrique qui entend tourner la page des guerres et des pouvoirs illégitimes.