Déjà soutenu par l'Egypte, les Emirats arabes unis et le Tchad, Khalifa Haftar ne cache plus son intention de lancer son Armée nationale libyenne en direction de Tripoli afin de prendre le pouvoir par la force. Un ancien-nouvel acteur vient de faire son apparition en Libye et plus globalement en Afrique du Nord. Tout le monde l'aura compris, il s'agit de la Russie. Absente du conflit libyen depuis 2011, date à laquelle elle avait décidé de lâcher Mouammar El Gueddafi, la Russie amorce progressivement son retour sur la scène libyenne en affichant clairement son soutien au général Khalifa Haftar, ancien haut gradé de l'armée de l'ex-Jamahiriya qui s'est autopromu maréchal il y a peu. Déjà soutenu par l'Egypte, les Emirats arabes unis et le Tchad, Khalifa Haftar — qui revient d'ailleurs d'un voyage à Moscou sur lequel peu d'éléments ont filtré — ne cache plus son intention de lancer son Armée nationale libyenne en direction de Tripoli afin de prendre le pouvoir par la force. Tout comme le Parlement de Tobrouk qui le soutient, il refuse de reconnaître l'accord interlibyen du 17 décembre 2015. Assez discret jusque-là sur le dossier libyen, le ministère russe des Affaires étrangères fait actuellement pression pour que le maréchal Khalifa Haftar hérite d'un poste important au sein du gouvernement libyen d'union soutenu par l'ONU. Dans sa décision de jouer la carte Khalifa Haftar, Moscou ne semble pas trop se soucier aussi du cadre tracé par l'accord interlibyen du 17 décembre 2015. Pis encore, les Russes pensent qu'il est inopérant et donc… bon à jeter. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Gennady Gatilov, a estimé dans une déclaration mardi à Bloomberg que «le général libyen Khalifa Haftar, qui combat Daech dans l'est de la Libye depuis plus de deux ans, doit faire partie de la nouvelle direction du pays». Qualifiant Khalifa Haftar de «personnalité politique et militaire de premier plan», M. Gatilov a critiqué la politique menée par l'émissaire de l'Onu pour la Libye, Martin Kobler. Selon lui, il accorde son soutien à d'autres forces politiques en Libye (comprendre peut-être des forces politiques qui ne pèsent pas). «Nous sommes convaincus que les Libyens doivent trouver un compromis concernant son entrée dans la nouvelle direction libyenne», a-t-il ajouté. Soulignant que Moscou entretient des relations avec toutes les forces politiques en Libye, y compris avec le chef du gouvernement d'union nationale Fayez El Sarraj, le diplomate russe a fait remarquer néanmoins que le gouvernement était incapable d'entamer ses travaux et de remplir ses fonctions de manière appropriée. «Le territoire qui est soumis à son contrôle est, selon lui, trop limité, et la reconnaissance internationale dont il bénéficie ne pourra pas y remédier.» Le maréchal libyen Khalifa Haftar a, rappelle-t-on, effectué une visite, dimanche 16 décembre, en Algérie, pays qui endosse de plus en plus le statut de médiateur dans le conflit libyen. Cette première visite officielle du maréchal Haftar avait été suivie, ce dimanche, par celle de Fayez El Serraj, président du Conseil présidentiel du gouvernement d'entente nationale. Le chef des autorités libyennes – reconnues par la communauté internationale – et le gouvernement algérien avaient abordé «l'évolution de la situation et les efforts entrepris dans le cadre du règlement politique de la crise» en Libye, selon un communiqué des services de Abdelmalek Sellal. Cette visite a «permis de réitérer la position constante de l'Algérie qui soutient la dynamique de paix initiée dans ce pays», ajoute le communiqué. De nombreux observateurs estiment qu'il est tout à fait dans les cordes de l'Algérie de parvenir à convaincre Tripoli, Zenten, Khalifa Haftar et Tobrouk de s'entendre sur un Smig politique. Maintenant il faut voir si l'intrusion de la Russie dans le dossier libyen va faciliter ou compliquer les choses surtout qu'il y a déjà une inflation d'acteurs.