Le maréchal Khalifa Haftar La France qui aide Haftar dans les combats contre Daesh à Derna et surtout Benghazi, suivie par l'Italie, s'efforce de moduler la dynamique des accords obtenus en décembre 2015 par la médiation onusienne à laquelle l'Algérie a apporté un soutien agissant. Promu premier maréchal de l'histoire de la Libye par le Parlement de Tobrouk, un lot de consolation en attendant le poste tant convoité de ministre de la Défense, Khalifa Haftar est devenu l'homme incontournable du conflit entre les dirigeants de Tripoli, reconnus par la communauté internationale, et ceux de l'Est qui refusent de reconnaître l'autorité d'Al Sarraj. Pourtant, celui-ci a changé son approche depuis août dernier, en tentant d'amadouer le camp rival, lui offrant le choix sinon des armes, du moins des candidats appelés à siéger au gouvernement d'union. Peine perdue. Tobrouk dit «non» et c'est tout. Al Sarraj aura compris, surtout ces derniers jours, que l'homme fort de Benghazi, le maréchal Haftar, représente la clé majeure de la partition libyenne. Censé incarner le combat contre Daesh et les autres groupes terroristes, Haftar porte également l'étendard de la lutte contre les groupes intégristes et c'est pourquoi il est soutenu résolument par l'Egypte du président al Sissi en butte aux Frères musulmans et par le Tchad du président Idriss Deby qui multiplie les interventions musclées dans les pays agressés par Boko Haram, au Niger, au Cameroun, au Mali et en Centre Afrique. Or, le soutien n'est pas seulement politique puisque les troupes du maréchal libyen accueillent des combattants égyptiens, tchadiens, soudanais et, chose à peine avouée, des forces spéciales françaises. L'homme est en outre assuré de la sympathie agissante des Emirats arabes unis, pour ne citer qu'eux. En Egypte, il dispose de camps d'entraînement, à la lisière de la frontière libyenne. Souvent en visite à N'Djamena, il donne sa vision des enjeux sécuritaires de la région sahélo-maghrébine et depuis qu'il s'est emparé des terminaux pétroliers, sur «ordre» du Parlement, il a pris encore plus de vigueur politique et militaire au point qu'Al Sarraj a été invité à Paris avec d'autres forces «représentatives» pour redistribuer les cartes...en faveur de Tobrouk. La France qui aide Haftar dans les combats contre Daesh à Derna et surtout Benghazi, suivie par l'Italie, s'efforce de changer la dynamique des accords obtenus en décembre 2015 par la médiation onusienne à laquelle l'Algérie a apporté un soutien agissant. L'argument des observateurs est que le maréchal Haftar bénéficie de l'adhésion des tribus, contrairement aux dirigeants de Tripoli, adhésion qui lui a permis de s'emparer des terminaux pétroliers sans combat et la rumeur va même jusqu'à donner à croire qu'il aurait plus de la moitié du peuple libyen en sa faveur. Une envolée difficile à croire tant la vindicte des milices de Misrata à son égard demeure puissante, l'ancienne Fadj Libya ayant même un temps exigé son jugement. L'argument majeur de Khalifa Haftar tient au fait qu'il se pose, à défaut de s'imposer, comme un chef laïc dont le projet va à l'encontre de celui des islamistes qui ont placé le gouvernement Al Sarraj sous leur tutelle. Et les milices issues de Fadj Libya sont désormais toutes auréolées de la victoire à Syrte d'où elles ont extirpé Daesh, au prix de lourds sacrifices, chose que Haftar n'a pas réussi à Benghazi malgré des combats que durent depuis plus d'un an. Sans être tout à fait le «héros» que vendent allègrement certains médias et milieux politiques occidentaux, Haftar est certainement un facteur décisif de la réconciliation en Libye dès lors qu'il bénéficie de la confiance et de l'adhésion inconditionnelle du Parlement de Tobrouk. Ce même Parlement qui prépare, dit-on, la mise en place d'un Haut Conseil militaire appelé à diriger l'armée. En seront mem-bres le chef du Parlement, le Premier ministre et le maréchal Khalifa Haftar, ainsi que deux membres du Conseil présidentiel. Une nouvelle réplique à l'accord onusien qui donne le poste clé de commandant suprême de l'armée au Premier ministre tandis que la Constitution stipule qu'il appartient au chef du Parlement. La mission des Nations unies de soutien en Libye (Manul) a suggéré pour sa part la mise en place d'un comité composé de personnalités politiques et militaires libyennes pour diriger l'armée et accomplir une mission difficile en la réunifiant. L'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, Martin Kobler, dont la relation avec Haftar est «compliquée» a évoqué tous ces enjeux à Moscou où il a rencontré l'envoyé spécial russe pour la Libye, Mikaïl Bogdanov, en prévision de la prochaine réunion du Conseil de sécurité de l'ONU consacrée à ce dossier. En attendant, l'Etat islamique, défait à Syrte, est en train de poser les jalons de l'après-Syrte avec le repli de ses forces dormantes vers l'ouest et le sud-est de la Libye. Ce sont, disent les spécialistes libyens, plusieurs dizaines de factions qui se sont repliées dans quelque 27 villes et villages du pays, certaines d'entre elles proches des frontières tunisienne et algérienne. Tous les pays frontaliers de la Libye sont évidemment menacés, mais la découverte récente de caches d'armes dans la région de Debdeb, non loin d'Illizi, montre que la vigilance est plus que jamais de mise. Fayez al Sarraj en visite officielle en Algérie Le président du Conseil présidentiel du gouvernement d'entente nationale de Libye, Fayez al Sarraj, effectue aujourd'hui et demain une visite officielle de deux jours en Algérie, a indiqué hier un communiqué des services du Premier ministre. Au cours de son séjour, le président du Conseil présidentiel libyen abordera l'«évolution de la situation et les efforts en cours, entrepris dans le cadre du règlement politique de la crise en Libye», note la même source. Cette visite sera aussi l'occasion de «réitérer la position constante de soutien de l'Algérie à la dynamique de paix initiée dans ce pays, fondée sur la solution politique, le dialogue inclusif et la réconciliation nationale dans le cadre du respect de sa souveraineté nationale», ajoute le communiqué.