A Akbou, des manifestants ont saccagé l'agence Sonelgaz et la recette des impôts. Une marche du Snapap est annoncée pour aujourd'hui, en signe de solidarité avec des travailleurs grévistes de l'APC. Béjaïa-ville a retrouvé provisoirement son calme hier, après une fin de journée lundi des plus chaudes qui l'a replongée dans le cauchemar de la violence. Mais pas Akbou. Cette deuxième plus importante ville de la wilaya a pris le chemin inverse. Le calme de lundi a été rompu en début d'après-midi d'hier. Des manifestants ont saccagé l'agence de Sonelgaz et la recette des impôts. Vers 15h, la foule en ébullition a assiégé le tribunal de la ville et le commissariat de police avant d'être dispersée par les forces antiémeute. Entre-temps, deux véhicules de police ont été caillassés. La veille, l'association des commerçants d'Akbou a rendu public un communiqué pour aviser qu'elle «n'est responsable ni de près ni de loin de cette grève» et «invite l'ensemble des commerçants de la commune ainsi que la société civile à plus de vigilance et à ne pas répondre aux appels à la violence, à la déstabilisation, au saccage des biens publics émanant de forces occultes». Devant les dérapages imprévus d'hier, l'association a appelé ses adhérents à une réunion à 17h à la salle de cinéma de la ville pour tenter de faire cesser la grève observée à 100%. Les animateurs de l'UGCAA de Béjaïa ont essayé, vainement, d'en faire de même au chef-lieu. Presque même topo à Tazmalt qui a fini par plonger dans l'émeute dans la soirée d'avant-hier. L'agence Sonelgaz, celle de l'opérateur de téléphonie Ooredoo et un bureau dit «forestier» ont été tous saccagés dans la nuit. L'émeute s'est même poursuivie jusque tard dans la nuit où même l'agence CNAS a été détruite. Les policiers ont été dépassés par les événements. Hier en début d'après-midi, au moins sept camions des forces antiémeute sont arrivés dans la ville en renfort. Dans ce climat tendu, une marche du Snapap est annoncée pour aujourd'hui, en signe de solidarité avec des travailleurs grévistes de l'APC, «victimes de ponctions sur salaire», nous dit une source locale. Dans d'autres localités de la wilaya, autant dans la vallée de la Soummam que dans le Sahel, la grève des commerçants a continué pour sa deuxième journée dans le calme, excepté quelques échauffourées de moindre importance que celles de la ville de Béjaïa où les émeutes de la veille ont persisté jusque dans la nuit. Le bilan des dégâts n'a d'égal que celui déploré il y a exactement cinq ans, presque jour pour jour, lors des émeutes de janvier 2011 où l'agence bancaire BNP Paribas avait été attaquée. Lundi, elle a subi son deuxième saccage. Le siège de la direction de l'éducation a aussi été attaqué, pour la deuxième fois en moins de deux semaines ; le 19 décembre dernier, il avait été pris pour cible lors de la révolte des élèves furieux qu'on ait écourté leurs vacances d'hiver. La furie des émeutiers ne s'est malheureusement pas arrêtée à ces deux seuls édifices. Vers 20h, la toute nouvelle agence Djezzy, sur la route de Sidi Ahmed, a été saccagée et pillée jusqu'à son dernier carton. Presque au même moment, une boutique de produits Condor, appartenant à un privé, a été dévalisée par des pilleurs qui ont profité du désordre qui a régné pendant cette nuit agitée. Des jeunes en sortaient les bras chargés de téléviseurs et autres produits électroniques et électroménagers encore dans leurs emballages. Dehors, certains ont été sommés d'abandonner leur butin à d'autres jeunes organisés en groupe armé de couteaux. Hier, ces scènes désolantes n'avaient pas fini de consterner la population qui en a pris connaissance grâce à des vidéos postées sur les réseaux sociaux. «C'est scandaleux !» se sont désolés certains habitants qui responsabilisent les parents pour les actes de leurs enfants mineurs qui étaient de la partie. «On a dû arracher un enfant de 12 ans des mains de son père qui voulait le battre à mort pour être entré chez lui avec un téléviseur volé», raconte un citoyen à un commerçant, qui a pris le risque de lever à moitié le rideau de sa boutique au quartier Nacéria. L'écrasante majorité de ses collègues n'a pas jugé utile d'ouvrir. La grève a continué de plus belle hier et il était rare de trouver une boutique ouverte. La peur a fini par dissuader les quelques commerçants qui n'ont pas donné suite à l'appel à la grève générale à son premier jour. Encore plus pour ceux situés dans la zone chaude des émeutes de la veille. «Pour rien au monde, je ne prendrai le risque d'ouvrir», commente un gargotier qui a travaillé la matinée d'avant-hier avant de baisser le rideau au passage des émeutiers. La rupture de son stock de pain a précipité sa fermeture. Hier, certains commerçants se sont postés devant leurs échoppes fermées, pour parer à tout imprévu. La tension, si elle a baissé considérablement pendant la journée au chef-lieu de wilaya, elle n'en est pas pour autant totalement vaincue. Tout le monde était sur ses gardes et le sentiment d'appréhension était palpable. Les transporteurs urbains ont pour la plupart travaillé, mais hier ce sont les usagers qui ont manqué à l'appel. La circulation automobile a été, de ce fait, fluide en l'absence des bus de l'ETUB. Ce n'est, par contre, pas le cas pour les lignes suburbaines et interwilayas. La gare routière était presque déserte. Plus de la moitié des bus qui la fréquentent habituellement n'y étaient pas. Le trafic a sensiblement baissé tandis que celui des bus du COUS s'est, quant à lui, complètement arrêté. Les étudiants, notamment les filles, sont rentrés chez eux hier, ce qui a réduit le nombre des enseignements dans les deux campus. Le calme de la journée d'hier promet de les faire revenir et d'apaiser les esprits, mais en fin de journée des groupuscules de jeunes tentaient de ranimer le feu en appelant à relancer les hostilités. A 17h, les forces antiémeute sont ressorties. Le face-à-face a repris de plus belle pour vraisemblablement une autre soirée qui risque d'être agitée. Dans l'après-midi, le Centre des droits de l'homme (CDDH) a organisé dans ses locaux une réunion avec des représentants de la société civile dans le but de se concerter sur l'action à engager face à ces derniers développements inquiétants.