Dans un contexte de crise politique, de chute brutale du pouvoir d'achat, de chômage, d'échecs successifs du pouvoir à donner au pays une véritable assise économique, rien ne garantit que les Algériens iront voter en masse aux prochaines législatives. Dans quelques mois se tiendront les élections législatives. S'il est évident que les partis au pouvoir, le Front de libération nationale (FLN), le Rassemblement national démocratique (RND) et ceux qui gravitent autour ne manqueront certainement pas le prochain rendez-vous électoral, nul n'aurait misé, au début de l'année 2016, sur la participation du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et du Front des forces socialistes (FFS). Ces deux partis ont fini par décider de prendre part au prochain rendez-vous électoral. Pour le premier, la participation aux élections lui donnera «plus de visibilité» afin d'«agir mieux» sur la scène politique, et lui offre «les possibilités de faire avancer son combat et de renforcer ses instances et son influence dans la société». Le second part aussi de sa propre logique, qui a pour objectif de «mobiliser les citoyens, la société civile et tous les acteurs du changement autour du projet de reconstruction du consensus national». Objectif organique pour l'un, recherche d'un «consensus national» pour l'autre, ces deux formations politiques pensent qu'il y a plus à gagner, même petitement, dans la participation que dans l'option du boycott. Quand bien même savent-ils que la situation politique du pays, les conditions dans lesquelles se dérouleront les prochaines élections organisées exclusivement par un régime qui refuse l'alternance, étouffe l'expression démocratique et impose un régime électoral qui ne laisse décidément aucun doute sur sa volonté de faire encore une fois un passage en force ! Sans l'ombre d'un doute, ceux qui président aux destinées du pays et veulent obstinément s'accrocher aux leviers du pouvoir ont plus de profits à engranger d'une telle participation que les deux partis songent bien tirer de leur engagement dans les prochaines élections législatives. Jugeons-en : de la crédibilité au processus électoral pour le premier, contre des clopinettes pour les seconds. Cela pourrait être un véritable marché de dupes. Un marché qui semble bien complaire à la majorité de la classe politique, y compris ceux qui n'ont cessé de nourrir des doutes sur la gestion du prochain rendez-vous électoral. Seuls deux partis politiques ont opté pour le boycott. D'abord Jil Jadid de Soufiane Djilali, puis Talaie El Houriyet de Ali Benflis, dont le comité central vient de trancher de ne pas prendre part à des élections organisées par un pouvoir dont il refuse de reconnaître la légitimité. Après n'avoir pas pu faire aboutir leur revendication portant sur la mise en place d'une instance indépendante qui contrôlera le processus électoral de bout en bout — c'était d'ailleurs une revendication portée par toute l'opposition réunie aussi bien au sein de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD), que l'Instance de concertation et de suivi de l'opposition (ICSO) — ces deux formations politiques ont préféré s'abstenir et aller à contre-courant du vent de la participation. Sans les garanties d'un scrutin libre, elles ont choisi de ne pas jouer le jeu et de ne pas s'inscrire en porte-à-faux avec leurs discours respectifs, marqués par une rigoureuse radicalité vis-à-vis du pouvoir en place, soulignant à chaque fois que le pays n'est pas géré. Mais en plus de la prudence qui caractérise leur positionnement et leur volonté de conformer leurs actes aux discours qu'ils prêchent depuis plusieurs années déjà, Jil Jadid et Talaie El Houriyet tablent également sur une éventuelle possibilité de gagner à leur faveur la majorité silencieuse qui est difficile à convier aux bureaux de vote. Dans un contexte de crise politique, de chute brutale du pouvoir d'achat, de chômage, des échecs successifs du pouvoir à donner au pays une véritable assise économique, rien ne garantit, à plus forte raison d'ailleurs, que les Algériens iront voter en masse aux prochaines législatives. Et c'est sur cette abstention, le seul adversaire politique du pouvoir, que veulent miser les boycotteurs. Réussiront-ils ? Ou se réveilleront-ils au lendemain du scrutin avec d'énormes regrets de ne pas avoir essayé de mobiliser les Algériens pour créer un rapport de force qui leur permettra d'imposer les changements qu'ils préconisent pour le pays ?