En effet, s'il est clairement établi que l'inscription de chantiers de grande envergure, boostés par l'embellie financière du pays, est l'œuvre des autorités centrales, d'aucuns s'étonnent que ces projets soient au centre d'une guerre de lobbying et de paternité entre élus locaux et cadres de l'administration. C'est du moins l'impression qui se dégage à Constantine où les projets, accordés à la ville du Vieux Rocher, sont plutôt présentés comme des « programmes locaux ». Le wali n'a pas cessé depuis son installation à la tête de la wilaya d'énumérer les nombreuses réalisations qu'il compte entreprendre à Constantine, promettant de « révolutionner » l'antique Cirta, les élus locaux, pour leur part, n'en font pas moins ! De fait, lors d'un point de presse organisé récemment au siège de la municipalité, le P/APC de la ville du Vieux Rocher a annoncé que Constantine respire mieux sur le plan de l'hygiène, tout en signalant que… deux hôtels de la chaîne Accor allaient être réalisés en plein cœur de la ville. Un « triomphalisme » rencontré également au sein de l'assemblée de wilaya où, à chaque occasion, l'on ne cesse d'annoncer la construction prochaine à Constantine de structures ultramodernes comme par exemple la réalisation d'un centre commercial haut standing à la nouvelle ville Ali Mendjli. A ce titre, l'on remarque que l'administration et les élus locaux cumulent les satisfecit en promettant de métamorphoser la ville, en évoquant à tout bout de champs les projets du tramway, du téléphérique, du trans-Rhummel, soit des projets lancés par le gouvernement dans le cadre du programme de la relance économique. Prévu en janvier 2007, le lancement des travaux du tramway permettra de désengorger le centre-ville de Constantine et d'apporter les aménagements urbains nécessaires, en garantissant le transport à 160 000 usagers par jour en un temps record de 27 minutes de Zouaghi au centre-ville. Tout aussi prometteur, le téléphérique, dont la mise en service est prévue pour septembre 2007, permettra, lui aussi, d'améliorer les prestations pour 100 000 usagers du nord de la ville, notamment les travailleurs du centre hospitalo-universitaire Benbadis de Constantine (CHUC) à raison de 2000 passagers/heure. Présenté, comme un projet futuriste reliant les deux rives du Rhummel sur une longueur de 1150 m, le pont trans-Rhummel va, quant à lui, modifier de manière radicale le visage de la ville du Vieux Rocher. Autre projet d'envergure, celui de la ville universitaire, estimé à 17,7 milliards de dinars et comprenant 13 pôles pédagogiques de 52 500 places, 20 résidences universitaires de 40 000 lits, un bloc administratif, une zone commerçante ainsi qu'une zone d'habitat de 1700 logements haut standing. Du pain sur la planche Au demeurant, si ce genre de projets a le mérite de redessiner les contours macrologistiques d'une grande métropole comme Constantine, certains estiment, en revanche, que les responsables locaux doivent mettre au point les moyens micrologistiques, susceptibles d'accompagner ces projets et les efforts consentis par les autorités centrales. Pour d'aucuns, les gestionnaires de la ville du Vieux Rocher gagneraient davantage à se concentrer sur la réhabilitation du réseau AEP, celui des eaux usées, sur la réfection des routes et sur une meilleure prise en charge du volet de l'hygiène notamment. Un volet que les élus de l'APC de Constantine affirment pompeusement avoir amélioré. Outre cela, d'autres priorités locales attendent également d'être prises en charge comme par exemple la révision du plan de circulation de la ville, son embellissement avec en toile de fond la mise en point d'un plan vert, indispensable dans une ville « rongée » par les glissements de terrain. De même, l'on n'omettra pas de souligner l'urgence de remettre à niveau des cités profondément déglinguées, aux conditions de vie hostiles à l'image d'El Djebass, de Boumerzoug et d'El Gammas. En fin de compte, les officiels locaux ont du pain sur la planche pour assurer l'exécution des projets structurants, tout en focalisant leurs efforts ainsi que leurs « sorties médiatiques » sur la salubrité publique et la cohésion urbaine. En septembre 2004, le précédent wali de Constantine avait, pour rappel, sommé les P/APC des 12 communes de la wilaya de s'organiser pour gagner la « bataille » sur l'insalubrité. « Ce n'est pas un pari impossible », avait-il martelé en relevant également le problème des avaloirs bouchés et donné des instructions fermes pour que ces derniers soient nettoyés régulièrement, « pour que ce ne soit pas la catastrophe à chaque goutte de pluie ». Deux ans après, les autorités locales n'ont toujours pas réussi ce pari, celui de remporter la « bataille » contre l'insalubrité. Constantine est encore loin de représenter un modèle en matière de propreté, surtout que la décharge publique du 7e Kilomètre, réexploitée depuis 2004 n'est guère bien éloignée de la ville. C'est d'ailleurs par « souci d'économie d'argent et de temps », avait-on laissé entendre à l'époque, que l'APC de Constantine avait entrepris d'exploiter cette décharge publique, située sur la route de Aïn Smara, en dépit des protestations de certains défenseurs de l'environnement. Aujourd'hui, les automobilistes de passage à Constantine en provenance d'Alger ou de Sétif, sont accueillis par les relents nauséabonds de la décharge publique d'une ville en voie d'être « révolutionnée » par de grands projets. Pour la population locale, la « révolution » est ailleurs, notamment dans l'éradication des bidonvilles, dont le programme de relogement des habitants piétine actuellement, mettant la patience des citoyens à rude épreuve à l'instar des bidonvilles de Fedj Errih, de Sarkina et de Oued El Had, qui se disent complètement oubliés par les autorités locales. La « révolution » est ailleurs Celles-ci doivent également faire face à l'émergence de nouveaux bidonvilles, comme ce fut le cas dernièrement à Djebel Ouahch. Un laisser-aller qui avait incité le wali à limoger le responsable de la commission technique du secteur urbain de Ziadia. A ce titre, l'on apprendra qu'une opération de recensement d'une partie des habitants des bidonvilles est actuellement en cours en vue d'établir la liste des futurs bénéficiaires et débusquer d'indus occupants venus se greffer aux anciens locataires. Une chose est sûre, les officiels de la ville du Vieux Rocher ont réellement fort à faire à Constantine où les problèmes sont nombreux comme notamment le cas des fuites d'eau qui persistent pendant des mois, nourrissant les glissements de terrain dont souffre la ville, sans être réparées. Forcément ces déperditions d'eau quotidiennes altèrent l'état des routes, déjà en piètre état. Cabossées, rapiécées, colmatées ou truffées de crevasses, les routes de la commune de Constantine sont, en fait, le pâle reflet d'une gestion décadente de la ville. Au même titre d'ailleurs que la vieille ville, dont le fameux Master Plan, manuel de réhabilitation et de restauration de la Médina, est resté sans suite en dépit des recommandations des experts italiens de l'université Roma III. Ces derniers avaient préconisé, en décembre 2005, l'urgence d'intervenir, notamment au niveau de Souika, pour sauver ce qui subsiste comme vieilles bâtisses, du moins ce qu'il en reste après que les autorités locales ont procédé, quelques mois auparavant, à la démolition d'une quarantaine d'habitations menaçant ruine. Depuis, la vieille ville de Constantine a été classée parmi les sites reconnus et protégés par l'Unesco. Néanmoins, sur le terrain, rien de concret n'a été entrepris pour la préserver de l'usure du temps. Parallèlement, le wali de Constantine continue de faire moult promesses au sujet de « l'ambitieux plan de développement qui va métamorphoser la ville », alors que les carences et les défaillances sont encore nombreuses. Comme c'est le cas notamment du tronçon Massinissa, reliant Zouaghi à la cité Boussouf, construit à coups de milliards et « bouffé » à présent par des glissements de terrain préexistants. Un fait connu par les services concernés suite à l'étude du sol précédant sa réalisation. Ce projet important avait pourtant englouti des sommes considérables. Comme ce fut le cas du très attendu et convoité marché de Daksi qui peine visiblement à voir le jour concrètement. A part une clôture élevée en quelques semaines, le projet reste à l'état vague, à l'image du terrain censé l'abriter. En attendant, ses futurs occupants continuent de squatter la chaussée de la cité El Gammas, véritable marché de substitution légalisé, étant toléré par les officiels locaux à défaut d'offrir mieux aux commerçants. Les promesses proférées au lendemain des émeutes, qui avaient secoué le quartier Daksi Abdeslem, le 26 décembre 2005, suite à la décision des autorités d'évacuer le site, « sont restées pour l'heure lettre morte », dénoncent les commerçants qui accusent les officiels de créer l'anarchie au lieu de la combattre. Pour d'aucuns, Constantine a davantage besoin d'un relookage à tous les niveaux à même d'assurer une fusion quasi symbiotique des projets structurants dans le paysage de la ville que d'une bataille de paternité pour une « révolution », pour l'heure, au stade… virtuel !