Rachid Sidi Boumedine, directeur de recherche associé au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) et auteur de nombreux ouvrages sur l'urbanisme, était l'invité, samedi dernier, du Café littéraire de Béjaïa pour partager avec le public ses conclusions sur le phénomène de l'urbain, en présentant son dernier opus intitulé Bétonvilles contre bidonvilles, publié aux éditions APIC. Pour ce spécialiste en sociologie de l'urbain, «un bidonville est le résultat de la misère sociale qui cristallise ce dernier. Par contre, bétonville est le début de la création d'un processus de misère sociale». L'auteur fait allusion au regroupement d'habitations érigées à la périphérie des grandes villes. Pour étayer ses propos, il explique qu'«à partir du moment où vous considérez que l'éradication des bidonvilles consiste à enlever les baraques et mettre leurs habitants dans des logements, vous devez porter la réflexion sur les logements, si ces derniers résolvent les problèmes que cristallise le bidonville». Or, ce n'est pas le cas. Il est constaté, aujourd'hui, qu'il y a une tendance à construire des groupements d'habitation très loin de la ville et qui ne réunissent pas les conditions de vie. Avec une telle «systématisation» cela devient, pour M. Sidi Boumedine, «un projet politique». Se défendant de critiquer la politique nationale d'urbanisation, il constatera néanmoins que «pour redresser la situation il faut un travail de 30 à 50 ans. D'autant plus que c'est une question absente des débats en la présence de la négation du facteur social». Et d'ajouter que «si le capitalisme colonialiste a engendré une certaine structure de la ville, le capitalisme algérien actuel amène vers une reproduction d'une politique homogène, équivalente ou à plus grande échelle. Vous pouvez nier l'absence de capitalisme en Algérie, mais nous voyons bien que ces mécanismes fonctionnent et se traduisent sur le terrain». Car, pour l'orateur, «toute action à destination de la population, dont les conditions d'habitat signifient une situation précaire, consiste à traiter toutes les situations de cette précarité (les conditions de vie, ndlr), pas simplement celles qui frappent les yeux (la laideur des constructions, ndlr)». Le danger de ces regroupements de populations, érigés très loin de la ville sans les conditions de vie et les sources de travail, est la paupérisation de ces populations. Citant l'exemple de la nouvelle ville de Sidi Abdellah, l'invité du Café littéraire estime qu'«on ne peut pas inaugurer une ville nouvelle à 30% de réalisation (10 000 logements). Si vous ne donnez pas aux gens l'accès à de meilleurs moyens et conditions de vie, ces regroupements deviendront par la force des choses un repère de la misère sociale».