Les troupes de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest se tiennent prêtes à intervenir en Gambie en cas d'échec des efforts diplomatiques pour convaincre l'ancien Président de céder le pouvoir. Une incertitude politique... Le nouveau président gambien élu, Adama Barrow, a prêté serment hier après-midi à l'ambassade de Gambie à Dakar, le sortant Yahya Jammeh refusant toujours de quitter le pouvoir malgré la menace soutenue d'une intervention militaire internationale. L'entourage de M. Barrow, accueilli depuis le 15 janvier au Sénégal en attendant sa prise de fonction, assurait jusqu'à présent qu'il prêterait serment «en territoire gambien» hier, après l'expiration du mandat de Yahya Jammeh, au pouvoir depuis 1994. La cérémonie devait initialement se tenir dans un stade de Banjul, une idée abandonnée pour plusieurs raisons : M. Barrow est absent du pays, M. Jammeh a sollicité l'interdiction de l'accès au site ainsi que le blocage de l'organisation de l'événement, avant de décréter mardi l'état d'urgence, validé pour 90 jours par l'Assemblée nationale dominée par son parti. Parallèlement, le Conseil de sécurité de l'ONU devait voter, hier à 18h GMT, un projet de résolution présenté par le Sénégal pour soutenir une éventuelle intervention militaire des pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Justice Ce projet de résolution appelle le Conseil de sécurité à «apporter tout son soutien à la Cédéao dans son engagement à assurer le respect de la volonté du peuple» et presse M. Jammeh de «mener un processus de transition pacifique et ordonné et de transmettre le pouvoir au président élu Barrow le 19 janvier». Des troupes de plusieurs pays de la Cédéao — dont le Sénégal, unique voisin terrestre de la Gambie, et le Nigeria, poids lourd régional — se tenaient prêtes à intervenir à partir du Sénégal, a indiqué hier une source militaire sénégalaise. Le Ghana a de son côté donné son accord pour déployer, en cas de besoin, 205 militaires en Gambie. Jusqu'à hier à la mi-journée, rien ne permettait d'indiquer que Yahya Jammeh allait céder son fauteuil à Adama Barrow, dont il conteste la victoire à l'élection présidentielle du 1er décembre après l'avoir dans un premier temps reconnue. Malgré les pressions internationales, abandonné par sa vice-présidente et plusieurs de ses ministres, Yahya Jammeh s'entête à demeurer en place tant que la justice n'aura pas statué sur ses recours déposés depuis décembre. Dans la capitale, Banjul, la nuit a été calme mais peu d'habitants se hasardaient dans les rues où, selon des témoins, patrouillaient de nombreux militaires, sans que leur allégeance à l'un ou l'autre camp apparaisse clairement. Dispute politique Mercredi, le président mauritanien Mohamed Abdel Aziz a fait une irruption surprise dans le dossier gambien avec une «proposition» de sortie de crise dont on ignore les détails mais qui, selon un diplomate mauritanien, mûrit depuis décembre. Il s'est rendu à Banjul, où il a rencontré «en tête-à-tête» Yahya Jammeh puis Ousainou Darboe, chef historique de l'opposition à M. Jammeh. Puis il a gagné Dakar, où il s'est entretenu avec le président sénégalais Macky Sall, mais aussi avec Adama Barrow, avant de retourner en Mauritanie (un pays non membre de la Cédéao). Le président mauritanien «est moins pessimiste à l'issue de ses contacts à Banjul et à Dakar», il «va continuer jeudi» ses échanges, a indiqué une source officielle proche du dossier. «Il a réussi pour le moment à obtenir un apaisement au plan militaire», a-t-elle dit, sans autre détail. Mercredi soir, le chef de l'armée gambienne, le général Ousman Badjie, a déclaré à des Occidentaux dans un secteur touristique près de Banjul qu'il «n'ordonnerait pas à ses hommes de résister» en cas d'intervention des troupes africaines. «Ceci est une dispute politique», a-t-il dit, ajoutant : «Je ne vais pas impliquer mes soldats dans un combat stupide.» Le risque de troubles pousse depuis plusieurs jours des milliers de personnes —Gambiens, résidents étrangers et touristes— à quitter le pays.