Le nombre d'entreprises dirigées par des femmes est très faible en Algérie, alors que 75% de la population active féminine sont des salariées. Comment expliquer cette situation ? Selon les enquêtes et recherches menées sur ce sujet, il apparaît que les raisons sont multiples. Certains auteurs ont révélé que les contraintes d'accès au marché du travail et la flexibilité dans le travail freinent le développement tant en milieu rural qu'en milieu urbain dans l'accès des femmes à l'activité économique. D'autres qui se sont intéressés aux femmes bénéficiaires des dispositifs d'aide à la création (Ansej et CNAC) révèlent des contraintes et des obstacles de nature culturelle qui s'interposent au passage et à l'émergence de la femme dans la sphère publique. Pour d'autres encore, les femmes entrepreneurs manquent d'expérience dans la conduite de leur entreprise et ne sont pas insérées dans des réseaux pouvant les alimenter en informations économiques utiles pour la gestion de leur entreprise. Ces contraintes entravent le développement de l'entreprise et conséquemment l'amélioration de la rentabilité des entreprises gérées par les femmes. Enfin, certaines recherches ont démontré la pression de la société traditionnelle sur les femmes malgré les progrès enregistrés dans le système juridique algérien, le fait que la famille demeure une contrainte importante dans l'intention entrepreneuriale ainsi que l'existence de pratiques discriminatoires à l'égard des femmes dans l'accès aux affaires. Ces auteurs ont essayé, chacun de son côté, de révéler l'existence d'obstacles et de freins au développement de l'entrepreneuriat féminin. Pour certains, ces entraves sont d'ordre sociologique en rapport avec le milieu (urbain/rural). Pour d'autres, il s'agit de freins culturels liés à la société, et pour d'autres, ils sont liés à l'environnement entrepreneurial en Algérie. Quel est le profil des femmes qui prennent le risque d'entreprendre ? Parmi les travaux qui ont traité de la femme et de la femme entrepreneur, on trouve ceux de Abdelkader Djeghloul (1997), qui, dans un article intitulé «Quand les Algériennes inventent la modernité», a présenté six portraits de femmes entrepreneurs dans l'Oranie, qui ont investi différents secteurs économiques. L'auteur révèle que le nouveau portrait de femmes entrepreneurs est marqué par des figures qui investissent des métiers considérés jusque-là comme ceux des hommes. Il montre également dans cet article que les femmes entrepreneurs investissent des dispositifs publics d'accompagnement de la création d'entreprise (Ansej, CNAC, Angem...) ; cependant, le montage financier de leur projet reste encore tributaire, pour une grande partie, des réseaux personnels (famille et amis). Plusieurs autres études ont porté sur ce sujet. Leur trait commun peut être appréhendé au niveau des trajectoires d'investissement dans le projet entrepreneurial. La plupart des auteurs, qui ont traité cette question, s'accordent à dire qu'il existe bel et bien un profil de femme entrepreneur en émergence. Que ces profils de femmes investissent différents créneaux et secteurs d'activités, qu'ils s'appuient sur les dispositifs publics pour créer leur entreprise et bénéficient de l'accompagnement dans la création, qu'ils constituent les nouveaux modèles de la femme algérienne moderne. Toutes ces figures convergent vers un même résultat, celui du profil de femme entrepreneur en construction. Des dispositifs comme l'Angem et l'Ansej ont aidé beaucoup les femmes à tenter l'aventure de l'entrepreneuriat. Pourtant, le résultat global reste relativement faible. Que faut-il faire pour booster la dynamique ? Une politique volontariste sensible au genre, comme par exemple une budgétisation sensible au genre (BSG)* qui, sous le prisme des droits humains, offre un cadre opérationnel adéquat favorisant le respect des engagements pris à l'échelle internationale pour la réalisation des droits humains. Il s'agit, principalement, de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw) et du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (Pidesc). Ce dernier stipule la réalisation progressive des droits en utilisant le maximum de ressources disponibles et entraîne, de ce fait, une obligation de conduite en termes de lois (harmonisation de la législation nationale avec les instruments internationaux des droits de l'homme), de politiques publiques et de budgets (processus mis en place) ainsi qu'une obligation de résultats concernant le suivi de la jouissance effective de ces droits. C'est dire que les trois principes fondateurs de la BSG, en l'occurrence les dimensions normatives, de processus et de résultats offrent une référence conceptuelle et instrumentale de nature à renforcer les mécanismes de redevabilité en matière de respect des droits humains et particulièrement les droits des femmes.
* «La BSG se sert d'une variété d'outils et de processus pour évaluer l'impact des dépenses et des recettes publiques sur la situation sociale et économique des hommes et des femmes. Son objectif est de rendre les budgets réactifs aux besoins des hommes et des femmes. Veiller à ce que l'allocation des ressources publiques réponde aux besoins des hommes et des femmes». (Source : Banque mondiale)