Le directeur des éditions Casbah, Smaïn Améziane, affirme que le stand de sa maison a accueilli beaucoup de personnalités. « Les gens, dit-il, se sont préparés à ce grand rendez-vous. Le salon a été décalé par rapport à la rentrée scolaire et sociale. Il y a eu un monde sélectif. 40% des visiteurs ont fait des achats. Le salon du livre d'Alger reste le plus important salon du monde de par son affluence et sa surface. » Notre interlocuteur reconnaît qu'un point noir a entaché le bon déroulement du salon, celui de la restauration. Certains de leurs invités — les personnalités notoires — ont dû se déplacer à l'extérieur pour prendre leur repas. Les marchands ambulants sur le site n'étaient pas indiqués, en plus de la cherté de leurs produits. La première responsable des éditions Sédia, Mme Radia Abed, estime que, « globalement, le salon a été positif d'abord par son affluence et ensuite par son aspect commercial. C'est un moment où l'on existe vraiment en tant qu'éditeur. Le contact avec les gens a été des plus intéressants. C'est également le seul événement où l'on se retrouve entre éditeurs algériens et étrangers : c'est fédérateur pour le milieu ». Cette jeune éditrice révèle aussi qu'il y a eu un problème au niveau de la police des frontières aériennes, pour le dédouanement de sa marchandise. Du coup, cela a perturbé l'inauguration du salon puisqu'une partie des stands était quasiment vide. Un autre problème a été soulevé, celui de l'espace café-littéraire qui a certes l'avantage de capter l'attention des gens qui sont de passage au niveau du pavillon central, mais qui suscite beaucoup de bruit pour les exposants. Etant pragmatique, Radia Abed s'interroge si la délocalisation de cet espace ne serait pas utile l'année prochaine. Il faut bien sûr avoir une délocalisation suivie d'un support publicitaire important, confie-t-elle. Aux éditions Chihab, le constat est également mitigé. Mme Yasmine Belkacem pense que « le salon prend de l'importance d'année en année. Les gens achètent des livres utiles se rapportant au parascolaire, à l'histoire et au roman. Le programme d'animation a mis de côté les auteurs algériens. Il aurait fallu que les organisateurs associent les éditeurs à ce programme. Certains jeunes auteurs algériens auraient dû être mis sous les feux de la rampe ». Et d'ajouter : « Il y a eu un clivage entre les arabophones et les francophones. Chose qui n'est pas indiqué dans ce genre de manifestation. » Ne mâchant pas ses mots, elle estime que cette 11e édition a revêtu les caractéristiques d'une foire commerciale. « Ce n'était ni pire ni mieux que les années précédentes », lance Selma Hellal des éditions Barzakh. Sur le plan financier, argumente-t-elle, cet événement a été une opération avantageuse pour les éditeurs. La durée du salon, à savoir 12 jours, est également contestée. C'est, dit-on, aberrant de prolonger le salon de deux jours à cause probablement des éditeurs étrangers, qui veulent rentabiliser leur voyage. « C'est ce qui explique que nous ne sommes pas dans un salon mais dans une foire. Mobiliser une petite maison d'édition que nous sommes, pendant 12 jours, entraîne un arrêt de nos activités », précise-t-elle. « Il y a, dénonce-t-elle, une réserve entre les francophones et les arabophones, un constat qui ne fait que creuser la fracture entre ces deux univers. » Selma suggère un salon du livre indépendamment du livre religieux. Les tables rondes ne rendent pas compte sur ce qui se fait dans la littérature contemporaine. Cette année, les organisateurs ont mis l'accent sur de grosses pointures, alors qu'il existe des auteurs algériens célèbres à l'étranger tels que Mourad Djebel et Salim Bachi, inconnus chez nous. « Je respecte les grands noms de la littérature étrangère et algérienne, mais je pense qu'il faut un dosage entre les auteurs connus et inconnus », argumente-t-elle. De l'avis de Karim Cheïkh, directeur des éditions APIC, le Salon international du livre ne veut pas changer de visage. « C'est une braderie de livres où l'on ne reçoit pas les vrais éditeurs. Il faudrait que la Safex entreprenne des travaux de rénovation. Le livre doit survivre au salon. Il va falloir penser à un salon de professionnels. Il y a matière à intéresser les éditeurs étrangers, notamment avec la vente des droits d'auteur. » Mieux encore, il pense que les éditeurs étrangers étaient éparpillés entre les trois pavillons alors qu'il aurait été plus judicieux de regrouper les Algériens au pavillon central. « On fait certes de l'édition en langue française, mais nous nous sommes retrouvés avec des francophones. On va finir pas être timbrés d'éditeurs francophones français. Il faut instaurer une réelle politique du livre », assène-t-il. Abordant relativement dans le même sens que ses confrères, le président du Syndicat national des éditeurs du livre et directeur général de Thala édition, Mohamed Tahar Guerfi, revêt sa casquette d'éditeur en disant que le salon a entraîné une marée humaine. Il déplore, cependant, le manque de livres scientifiques et techniques. La traduction n'a pas eu sa place dans ce salon. « J'aurais souhaité que les livres, appartenant aux étrangers, arrivent au stand des exposants. Ce sont aux gens de la douane de venir effectuer le contrôle sur place. Je déplore également la présence de CD et cassettes vidéo. » L'espace enfants a été omis. Ainsi, il serait souhaitable d'aménager pour la prochaine édition un espace destiné aux enfants, c'est du moins le souhait de Mohamed Tahar Guerfi. En somme, la 11e édition du Salon international du livre d'Alger a recensé plusieurs imperfections. Gageons que la 12e sera à la hauteur des espérances et des attentes.