L'Union générale des étudiants libres (UGEL) a déjà établi une plateforme qui servira de base au débat qu'elle appelle de tous ses vœux. Elle estime que c'est l'heure d'une première évaluation du pôle universitaire, tant du point de vue pédagogique que des perspectives d'avenir. Face à la vague de contestation qui secoue l'université depuis le début de l'année, l'Ugel, bureau de l'université Constantine 3, veut lancer le débat sur cette situation et désamorcer, par le dialogue, la crise multiforme que vit le temple du savoir depuis plusieurs mois. La représentation estudiantine a établi une plateforme exhaustive des difficultés pédagogiques que connaît ce pôle, le plus grand en Afrique, d'une capacité de 45 000 étudiants, doté de multiples facultés et de quatre écoles nationales. Un ballon sonde qui aspire à dégager le degré d'engagement de l'étudiant et ses ambitions sur les campus et au-delà. «L'UGEL veut amorcer un débat sur toutes les préoccupations des étudiants, mais pas seulement pédagogiques, nous voulons aussi englober celles futures relatives à la vie professionnelle», nous a confié Mohamed El Hadi Zemmouli, son représentant. L'Union, de la sorte, aspire à «réveiller» le monde étudiant pour se saisir de son destin. L'UGEL est en quête de crédibilité et veut se positionner en leader, à un moment où foisonnent à l'université des mouvements de protestation, dont la plupart ne sont pas du tout encadrés. Il faut reconnaître que le moment est propice. Les grèves tous azimuts qui secouent l'université ouvrent une faille à toute velléité de récupération. «Certains mouvements protestataires ne sont pas encadrés, ce qui rend parfois la revendication anarchique et sans la moindre portée», précise notre interlocuteur. Cette déclaration met le doigt sur la nature de cette protesta multiple qui monte crescendo. Face à la position intransigeante — à raison dans la majorité des cas — de l'administration, l'Ugel espère s'imposer en interlocuteur privilégié. N'étant pas seule organisation estudiantine sur le terrain, elle anticipe en balisant son champ d'intervention. La contestation doit avoir un meneur, une voix qui la porte et l'Ugel veut incarner cette alternative. «L'administration ne semble pas disposée à dialoguer, nous en sommes à ce constat. Depuis l'arrivée du nouveau recteur, il n'y a eu aucune rencontre avec nous et ce n'est pas faute d'avoir essayé», selon le représentant de l'organisation estudiantine. Et de déplorer «l'absence de concertation et de partenariat qui incite à recourir au ministère de tutelle».Rompue à l'exercice médiatique, l'Ugel invite la presse à s'associer à son initiative pour lancer le grand débat concernant l'actualité du pôle universitaire à Constantine, sa vision future et ses ambitions. Egrenant un chapelet de thématiques, Mohamed El Hadi Zemmouli parle de développement et de portée académique que cette université doit arborer comme schéma ou plan d'action : «Nous aimerions aborder les différentes facettes structurelles et pédagogiques de ce pôle universitaire pour saisir sa stratégie pour les cinq années à venir.»Du moment qu'il est question de plan quinquennal dans le cas de programmes de développement, il serait aussi légitime d'appliquer cette dynamique à l'université, appelée tôt ou tard à l'autonomie, synonyme d'autosuffisance financière, mais surtout de plan prévisionnel pour sa survie. STRUCTURES ET MISSIONS PASSEES AU CRIBLE L'Ugel souhaite, via ces hypothétiques «assises sur l'université Constantine 3» décortiquer, en premier lieu, la fonctionnalité de l'ensemble des structures, les différentes spécialités et les écoles nationales pour comparer leurs missions pédagogiques à celle dispensée dans les autres universités du pays. Dans une deuxième étape, les facultés et écoles seront mises sous la loupe, séparément de préférence, pour une évaluation de leur cursus à travers les cours théoriques, les travaux pratiques ainsi que l'évolution de la courbe de la recherche scientifique. Les conditions d'hébergement des étudiants résidents et les moyens de transport mis à leurs dispositions ne seront pas en reste. Partie intégrante de ce triptyque «pédagogie, hébergement et mobilité», ces deux derniers points ont été à l'origine de plusieurs actions de protestations depuis la mise en activité de cette ville universitaire, il y a trois ans. L'Ugel pense aborder ces questions auxquelles vient se greffer la question lancinante de la sécurité. A plusieurs reprises, ce problème a mis le feu aux poudres sur ce site à cause de l'introduction d'extra-universitaires, des agents de sécurité ou encore des taxis-fraudeurs qui stationnaient à l'entrée. Selon notre interlocuteur, la grogne au sein de la communauté qui se traduit, en ultime recours, par des mouvements de contestation, mérite que l'on s'y penche pour démêler l'écheveau et aboutir aux moyens de traitement : « Une réelle réflexion sur ces mouvements est nécessaire. Elle devient urgente actuellement où pas moins de cinq facultés et écoles sont en arrêt de cours depuis plusieurs semaines.» Et d'émettre le vœu de jouer un rôle dans le règlement de ces dissensions, car l'organisation, in fine, n'est-elle pas censée défendre l'intérêt des étudiants ? «De tous les étudiants même ceux qui ne sont pas affiliés à notre représentation», a rétorqué l'étudiant en médecine. Ce qui enclenche le débat sur le rôle des organisations estudiantines sur les campus. Partant du principe que «l'étudiant peut faire de la politique sans pour autant rendre l'université partisane», pour paraphraser le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, l'Ugel — dont l'histoire est jalonnée d'épisodes partisans et dont l'affiliation au MSP est un secret de polichinelle — cherche aujourd'hui à se repositionner en défenseur exclusif de l'étudiant afin de reconquérir la confiance d'une communauté frileuse dans l'engagement ces dernières années.