Les soldes d'hiver sont de retour à Alger; pourtant, très peu de devantures de vitrines l'annoncent, que ce soit dans les grandes artères de la capitale (Didouche Mourad, Hassiba Ben Bouali, Larbi Ben M'hidi,…) ou encore au niveau du centre commercial Bab Ezzouar. Par contre, on peut remarquer que nombreux sont les commerçants qui ont placardé les prix sur les vitrines de leurs magasins, en plus des avertissements oraux de la part des vendeurs une fois que les clients passent la porte. Des pantalons cédés à 1000 Da, des vestes à 2000 Da, des pulls à 500 Da, des boots à 1500 Da, ou encore des ordinateurs à 33 500 et 39 500 Da, soit une baisse d'environs 20% de leurs prix de vente… mais pourquoi donc ces commerçants n'affichent-ils pas tout simplement le mot magique : Soldes ? Pour y répondre, nous nous sommes approchés de certains d'entre eux. Selon ces derniers, le fait de ne pas mettre une affiche comportant le mot Soldes est une solution qui a été adoptée pour échapper aux contrôleurs envoyés par les communes, qui sont très actifs ces derniers temps. Il faut savoir que la vente en solde est une pratique commerciale réglementée en Algérie, et ce, à travers le décret exécutif n° 06-215 du 18 juin 2006 fixant les conditions et les modalités de réalisation des ventes en soldes, des ventes promotionnelles, des ventes en liquidation de stocks, des ventes en magasins d'usines et des ventes au déballage. Une pratique commerciale réglementée Pour rappel, l'article 3 du décret stipule que les ventes en soldes sont autorisées deux fois par année civile et que chaque opération est d'une durée continue de six semaines et doit intervenir durant les saisons hivernale et estivale. Pour la période hivernale, ces ventes doivent être réalisées durant les périodes comprises entre les mois de janvier et février. L'article 4 du même décret stipule que les dates de déroulement des ventes en soldes sont fixées au début de chaque année par arrêté du wali, sur proposition du directeur de wilaya du commerce territorialement compétent après consultation des associations professionnelles concernées et des associations de protection des consommateurs. Une fois que l'arrêté est rendu public, les commerçants désirant réaliser des ventes en soldes sont tenus de déposer auprès du directeur de wilaya du commerce territorialement compétent une déclaration accompagnée de la copie de l'extrait du registre de commerce ou, le cas échéant, une copie de l'extrait du registre de l'artisanat et des métiers ; de la liste et les quantités des biens devant faire l'objet des ventes en soldes ; de l'état reprenant les réductions de prix à appliquer ainsi que les prix pratiqués auparavant. Tout dépôt de dossier conforme donne lieu à la délivrance d'une autorisation qui permet au commerçant d'entamer les ventes en soldes durant la période fixée. Autrement, le présent décret prévoit des sanctions. «Déposer un dossier, attendre au minimum 15 jours pour avoir l'autorisation… tout cela pour pouvoir afficher le mot SOLDES, cela me semble contraignant, d'autant plus que mon magasin sera une cible pour les contrôleurs envoyés par la commune», déclare le propriétaire d'une boutique de prêt-à-porter située à Alger, rue Larbi Ben M'hidi. Ce dernier nous explique que le contrôle concerne les magasins qui affichent le mot soldes. «C'est une question de terminologie», nous dit-il, en ajoutant : «Il n'est pas interdit d'afficher la liste des prix des articles en vitrine, cela est permis sans autorisation, je préfère recourir à cette pratique pour être tranquille. Les passants voient les affiches et se laissent tenter par les offres pour renouveler ou agrandir leur garde-robe… Autrement dit, nous ne sommes pas jugés sur la pratique en elle-même mais plutôt sur le mot SOLDES», soutient notre interlocuteur, et il n'est pas le seul à nous avoir livré ce constat. Il n'est pas le seul non plus à déplorer une baisse des ventes dans les magasins par rapport à la même période de l'année dernière, que ce soit pour les vêtements ou le matériel informatique et fournitures de bureaux. Les algériens se sont donc contentés cette année d'acheter des produits dont ils ont besoin, de faire des achats utiles et d'éviter les achats plaisirs. Pourquoi donc ? Moins de vêtements, moins d'ordinateurs, moins de voitures La réponse est simple. selon l'ensemble de nos interlocuteurs, moins de vêtements, moins d'ordinateurs, moins de voitures ; cette année, si la fréquentation des magasins s'est tassée et que les consommateurs ont mis un sérieux coup de frein à leurs dépenses, c'est qu'en 2013 ils ont été nombreux à souscrire aux logements AADL, LPP…, c'est donc une période peu propice aux achats dits plaisirs et les commerçants font grise mine. «Malgré un léger frémissement en période de rabais, la reprise n'est toujours pas au rendez-vous, les consommateurs restent attentifs à leurs dépenses ; par conséquent, nous arrivons à peine à stabiliser notre chiffre d'affaire», déclare le propriétaire d'un magasin de chaussures situé à la rue Hassiba Ben Bouali. Baisse de la qualité et hausse des prix «La douceur du climat n'arrange pas les choses». C'est ce qu'a déclaré un de nos interlocuteurs qui nous a fait part de sa déception. «La douceur du climat nous a obligés à baisser les prix, nous espérons l'arrivée d'un temps plus hivernal qui permettrait d'écouler les vêtements et autres articles qui restent largement invendus. En effet, les manteaux chauds, les gros pulls, les grosses chaussures sont encore très présents dans les magasins de vêtements et chaussures», indique-t-il, en précisant : «En Algérie, nous n'avons pas cette culture des ventes en soldes, nous l'avons importée, nous avons également importé les textes de lois d'Europe tels quels, nous ne les avons pas adaptés au contexte algérien, alors que nous n'avons pas le même climat. La logique voudrait que les périodes des soldes ne soient pas les mêmes. Or, ce n'est pas le cas.» En outre, «l'application des lois est loin d'être au rendez-vous, certains commerçants ne respectent pas les périodes, d'autres contournent la loi. Quant au contrôle, il n'est pas aussi strict qu'il en a l'air à la lecture du décret. En effet, la commune nous envoie des contrôleurs que nous connaissons en général, ce sont souvent des voisins, de bonnes connaissances, ou encore mieux des clients», ajoute le commerçant. Un autre problème a été soulevé par le gérant d'un magasin de sacs et chaussures pour femmes au niveau de Didouche Mourad, celui de la baisse de la qualité des produits disponibles à l'importation accompagnée d'une hausse des prix. «Mes clients sont mécontents quant à la qualité des produits, alors que le client algérien devient de plus en plus exigeant avec la pénétration d'Internet dans nos foyers, la qualité des produits importés est réduite à la baisse, tandis que les prix augmentent», regrette notre interlocuteur. Le seul magasin qui a habillé sa vitrine d'une grande affiche indiquant SOLDES et qui a accepté de répondre à nos questions nous a confirmé que les dates des soldes n'étaient pas respectées : «Chaque magasin choisit sa propre période et tant qu'il n'affiche pas le mot soldes, il échappe aux sanctions. D'autres ont réussi à écouler leurs stocks, donc ils ne sont pas intéressés par cette opération. Chez nous, c'est au cas par cas», précise-t-il.