Bruno Dupont est président du Salon international des techniques de production végétales (SIVAL). Il est également président de l'interprofession des fruits et légumes frais de France. Rencontré en marge du salon Sival qui s'est tenu les 17, 18 et 19 février dans la ville d'Angers, dans le pays de la Loire (France), il a esquissé l'avenir du végétal dans l'entretien qu'il nous a accordé. Le Salon SIVAL est à sa 31e édition. Qu'est-ce qui le caractérise par rapport aux éditions précédentes ? Cette édition se caractérise toujours par une ligne adoptée depuis des années, qui est celle de l'innovation. Cette année, nous avons appuyé sur tout ce qui est robotique, mécanisation … appelée aujourd'hui l'agriculture connectée. En quoi consiste l'agriculture connectée ? L'agriculture connectée est déclinée surtout par la robotisation et tout ce qui est connexion des réseaux informatiques sur les exploitations, mais surtout par rapport aux matériels. Faire rentrer de la très haute technologie sur le matériel, le guidage automatique de certaines bineuses dans les serres, ou la gestion par pilotage automatique des infrastructures, des serres, de l'irrigation, de la logistique bien sûr dans tous les programmes et nouveaux logiciels de calcul pour permettre aux chefs d'entreprise d'être au plus près des besoins de la plante et de façon effectivement à avoir des coûts de productivité pour éviter de payer plus là où ce n'est pas nécessaire. Cette robotisation est décriée par certains milieux pour sa qualité et est considérée à tort ou à raison comme ennemie de l'emploi. Qu'en pensez-vous ? On peut citer la modernisation de l'agriculture en France comme exemple, mais d'autres pays que j'ai visités en font de même. Si je prends l'exemple d'une ferme urbaine, demain peut-être une nouvelle alimentation existera sur la planète. Il y a deux ans, lors d'un de mes voyages à Tokyo (Japon), des expériences menées à l'université de Tokyo pour faire pousser du végétal, principalement de la tomate, salade, concombre, dans des lieux fermés, complètement aseptisés et adaptés à une nouvelle culture hors sol sur les toits d'immeubles qu'on appelle des fermes végétales, mais qui sera peut-être l'agriculture de demain. On se doit dans un salon comme le Sival d'être proche de cette nouvelle technologie qui intéresse les entreprises puisqu'on le sait déjà, il manquera des terres agricoles à l'avenir et la population mondiale s'accroîtra. Donc, il va falloir ou gagner des terres en asséchant une partie de la mer, mais ça c'est un autre travail, ou opter pour des fermes adaptées en doublant et en multipliant parfois par dix le rendement, et ce, en optant pour une approche verticale. Mais qu'en sera-t-il de la qualité des produits et de la main-d'œuvre ? Nous avons goûté les produits et il n'y a aucune différence avec ceux produits en plein air. On reconstitue le même élément pour le végétal. Par contre, pour la robotisation et l'emploi, c'est une question pertinente puisque ce que l'on confie aux robots, ce sont des emplois en moins et une perte de main-d'œuvre. Mais si demain on crée une autre dynamique dans des terres qui sont pas aujourd'hui cultivées grâce peut-être à la robotisation, ça peut créer de la main-d'œuvre plus adaptée. Et même dans des pays à forte population agricole, il y a de moins en moins de personnes adaptées à certaines tâches. Donc, par anticipation, le chef d'entreprise aura besoin de faire appel à la robotisation pour effectuer certaines tâches. Même dans le monde industriel, on ne fabrique plus les voitures comme il y a vingt ans. Il y a moins de main-d'œuvre dans les chaînes et beaucoup de fonctions ont étés robotisées. Même dans l'agriculture, certaines personnes habilitées à accomplir certaines tâches seront appelées à en faire d'autres. Ce sera une main-d'œuvre requalifiée dans d'autres postes. Il n'y aura pas de perte d'emplois, mais une nouvelle organisation du travail. La participation algérienne est quasi absente dans les stands et reste limitée à une présence timide de deux exploitants agricoles venus dénicher du nouveau matériel. Comment expliquez-vous cela et quel regard portez-vous sur le marché algérien ? Je suis ce qui se fait en Algérie dans le secteur agricole. Je sais qu'à la manière du Maroc vert, l'Algérie est engagée dans un plan qui permet de dynamiser cette agriculture algérienne de façon à la rendre pertinente. Aujourd'hui, le but de beaucoup de pays c'est d'être indépendants en matière alimentaire. Des pays comme l'Algérie, la Tunisie, le Maroc et des pays de l'autre côté de la Méditerranée n'ont pas cette indépendance. C'est un axe souvent très politique, indépendamment de l'alimentation, puisque c'est un axe pertinent pour les pays, où il faut disposer d'un personnel, d'une technicité, des terres, un potentiel d'eau qu'il faut respecter. Dans ce salon, l'Algérie n'a pas de stand, mais des délégations algériennes y viennent pour avoir une connexion avec ce qu'attend le pays de son agriculture en matière d'arboriculture, de maraîchage… et nouer des partenariats avec des entreprises spécialisées et créer ainsi une relation économique entre l'Algérie et la France. Il y a le salon de l'agriculture à Alger, où la France n'est peut-être pas assez présente, mais au Sival, l'idée est de s'ouvrir à l'international en accueillant de jeunes acteurs innovants et il en existe en Algérie pour venir exposer leur savoir-faire et travailler en commun sur des innovations, d'autant plus que les nouvelles idées il y en a partout. Il peut y avoir un partenariat entre les deux pays sur des innovations, pas forcément sur la robotique, mais parfois sur des thématiques concrètes et avancer pour créer une dynamique interprofessionnelle, caler le monde de la production et le monde de la distribution en contact avec ce qu'attend aujourd'hui le citoyen algérien sur son alimentation. Il faut produire, savoir organiser une fois qu'on a produit, et enfin savoir vendre. Tout cela est un ensemble que nous on fait à l'interprofession. Et quand tout cela est mal organisé, c'est le consommateur final qui est pénalisé.